Associe-toi avec le diable, jusqu'à ce que tu ais passé le pont

De
petite
étincelle
naît
souvent
grand
feu.

1893 / 0 an - Pourquoi Liliya n'est-elle pas avec vous ? La voix puissante et masculine de Cosimo Fibonacci tonna à l'encontre de son épouse. Ce n'était ni la première fois qu'il élevait ainsi le ton contre elle, ni la dernière. Le majordome du couple, accoutumé à entendre résonner reproches ainsi que remontrances à travers la demeure Toscane n'y prêtait même plus la moindre attention. Il poursuivait sa tâche comme si la félicité domestique régnait, en servant le thé à la dame des lieux. Dans le petit salon, Ecaterina Vacaresco se contentait de toiser son époux de ce regard glacial qui la caractérisait tant et qui déplaisait fortement à ce dernier. - Elle est resté à Biertan, en compagnie de ma parentèle. L'une de ses mains se leva, impérieuse, afin de devancer les vociférations de Cosimo allant suivre. - Je donné deux fils à votre lignée. Libre à vous d'élever Romualdo et Serafino selon votre gré. Liliya quant à elle, est une Vacaresco. Ce sont les miens qui décideront de son devenir. Vous pouvez tempêter tout votre soûl, vous n'obtiendrez pas gain de cause. L'homme quitta la pièce en jurant, claquant la porte derrière lui. Et sans plus se préoccuper des états d'âme de son époux, la roumaine porta la tasse de porcelaine à ses lèvres, buvant délicatement une gorgée de son thé fumé. Elle ressentait la fatigue du voyage et ne rêvait que de se prélasser dans un bon bain brûlant, afin de détendre ses muscles. Las du comportement de son mari, elle poussa un long soupir. Sans doute aurait-elle dû s'accorder plus de temps en Roumanie, dans le fief familial, à la suite de son accouchement.

1904 / 11 ans Entrée à l'institut Durmstrang.

1912 / 19 ANS Mademoiselle Liliya tourna pleinement son attention vers son frère Serafino. - Voudrais-tu que je te plaigne peut-être ? S'enquit la jeune femme non sans user d'ironie, avant de lui proposer pour ajouter un effet dramatique : - Versant quelques larmes en pensant à tes pauvres malheurs de jeunesse. Portant son verres à ses lèvres, elle but une nouvelle gorgée de son vin blanc. Vraiment, il la fatiguait à vouloir se faire plaindre d'être la personne ayant reçu l'éducation la plus stricte durant l'enfance. Si concours il y avait, c'était assurément la roumaine qui le gagnait haut la main. Et pourtant, elle n'en faisait pas toute une histoire. Certainement que si son aîné était à sa place, lui n'hésiterais pas une seconde à exhiber les multiples marques de brulures ainsi que les nombreuses cicatrices parcourant son corps, souvenir des sévices infligés par ses parentes, qu'elle camouflait habilement à l'aide de charmes. L'enseignement des Vacaresco avait consisté à lui briser tant son esprit que son cœur, ainsi que son corps, afin de brider ses émotions et ainsi maîtriser ses sentiments. Elle se souvenait encore parfaitement, de l'odeur de la chair brûlée de la paume de sa main, ouverte et tendue par la magie, au-dessus de la flamme d'une bougie. À l'aube de sa sixième année, voilà quand et comment avait commencé ce conditionnement intensif, qui avait duré jusqu'à ce qu'elle atteigne l'âge de la majorité. Un mal nécessaire, lui permettant de survivre à cette malédiction de sang qui frappait les femmes de sa lignée et qui avait modelé la jeune femme forte et indépendante d'aujourd'hui. Tandis que lui, ce misérable hère délicat, pleurnichait ad vitam æternam de quelques corrections corporelles et autres punitions insignifiantes. Douce enfance privilégiée qu'il avait eut. Liliya secoua la tête de gauche à droite, avant entreprendre de décortiquer une crevette, afin d'occuper ses mains.

1916 / 22 ANS Pesant est le poids de cette couronne d'or placée sur sa tête, mais Liliya savait parfaitement que le choix de la refuser ne faisait nullement partie de ses options. Alors, la jeune femme se tenait droite et avec dignité devant l'autel, éblouissante dans sa somptueuse robe blanche. Un sourire froid, offert à son époux. Elle ne connaissait Radoslav Basilov que de réputation, et l'amour n'était pas au rendez-vous dans cette histoire. Elle inclina son buste dans sa direction, unissant ses lèvres aux siennes, scellant ainsi son destin avec celui de Radoslav. Se baiser ne lui procurait aucune sensation. S'ils n'éprouvaient ne serait-ce qu'une once de respect l'un envers l'autre, elle se considèrerait satisfaite de cette union. Une main gantée déposée sur l'avant-bras de son époux, Liliya redescendit l'allée de l'église orthodoxe, en inclinant la tête respectueusement aux félicitations d'usages des convives sur son passage.

1917 / 23 ANS La chute tsariste et la destruction du monde magique russe.

1919 / 26 ANS Exode à Moscou, puis fondation des pègres magiques souterraines.

1920 / 27 ANS Madame Vacaresco confia Ippolit aux bons soins de la nourrice, avant de les congédier hors de la pièce. Le nourrisson avait pleuré à chaudes larmes durant les cinq dernières minutes et cela l'avait insupporté au plus haut point. - Ne pourrais-je donc pas profiter de mon fils plus longtemps que cela ? Liliya ferma les yeux un instant, portant une main au niveau de ses tempes. Elle sentait poindre le début d'une bonne migraine et les lamentations de son époux n'aideraient en rien à l'apaiser. - Vous savez où se situe la nurserie il me semble. À moins que vous ne soyez une fois encore trop enivré pour vous remémorer le chemin jusque-là. Crispant ses lèvres, elle fronça le nez, incommodée par tous les relents d'alcool qui se dégageaient de ce dernier. - Si je me fie à votre odeur désagréable, cela doit être effectivement le cas. Quel bien triste exemple vous faites pour votre enfant. Elle le regarda avec un mépris non dissimulé, ne supportant plus sa présence depuis des années. - Espèce de garce. Qu'en sais-tu de l'exemple à donner, toi qui es aussi glacial qu'un glaçon et qui a abandonné notre fille à la naissance sans éprouver le moindre remords. Le camouflet la laissa de marbre, car effectivement, elle n'avait pas la moindre once d'amour maternelle envers ses enfants. Puisque leur existence était notifiée dans l'une des clauses de son contrat de mariage, elle s'était donc pliée à ses obligations. - Lavinia est loin du joug de votre influence, une bénédiction dont son jumeau ne pourra pas se targuer de bénéficier. Si vous pouviez retourner auprès de vos catins maintenant, j'aimerais terminer de déguster mon Assam en paix. L'homme quitta la pièce en jurant, claquant la porte à la suite de son passage. Et sans plus se préoccuper des états d'âme de Radoslav, la roumaine porta la tasse de porcelaine à ses lèvres, buvant délicatement une gorgée de son thé épicé, à l'instar de sa mère des années auparavant.