who's going to catch you when you fall ? (albus)

Hauteurs écossaises, année 1917. Un service en porcelaine flotte dans l’éther. C'est l'heure du thé du soir. Affair​​é à corriger des parchemins avant l’été, le jeune Dumbledore n’a pas eu le temps de lire les nouvelles. Assis dans un fauteuil, il ouvre enfin la Gazette du jour, s'attendant à un énième article sur la guerre mondiale moldue. Découvrant l'actualité, sa bouche s’entrouvre sous le joug de la stupéfaction. Les images d’outre-mer sont difficiles à regarder. Coup d’état, la Russie sorcière détruite. Comme s’il lisait ses pensées, son fidèle volatile se pose sur le perchoir près de lui. L’homme n’y prête pas attention et reste silencieux un moment, prenant note de chacune des informations qui se dévoilent à lui. Secret magique mis à mal par les non-mages slaves, c’est avant tout à la sécurité de ses proches d’ailleurs qu’il songe. À Artem, Yacov, mais surtout à Anka. Oubliant la tasse fumante sur la table, il somme de l’encre et du papier pour se congédier de l’école pour la semaine, joignant l’article à la lettre qu’il adresse au directeur. Dix minutes plus tard, celui qui n'est encore que professeur confie le phénix au garde-chasse et transplane jusqu’à Saint-Pétersbourg dans un tourbillon abyssal. Le temps s’étiole mais l’urgence appelle, il ne peut se permettre d’attendre davantage.

La silhouette réapparaît dans une ruelle déserte de la capitale, à deux pas des appartements des Grishakov. Le souffle court, Albus assiste incrédule à l’horreur de la révolution. Ses propres yeux voient les murs recouverts de sauge et enflammés. Des dépouilles morcelées sur des bûchés. L’odeur est saisissante et presque insupportable. Observé dans le chaos, il ne peut cependant se morfondre ou flancher. Alors il se tient droit, digne, se contentant de presser le pas jusqu’à la bâtisse, connue en d’autres circonstances. Des moments simples mais heureux, qui semblent à présent la réverbération lointaine d’un idéal. Il n’y a que quand on perd tout qu’on se rend compte de la véritable valeur de ces choses. Est-elle seulement encore en vie ? L’éventualité lui retourne l’estomac. Sur le parvis, le sorcier se retient de faire usage de l'ébène. La porte, elle, est déjà ouverte, augmentant la terreur qui lui paralyse, momentanément, l’âme. Il monte les marches boisées deux à deux jusqu’à l’étage et frappe. Enfin. Trois coups distincts retentissent et une voix de femme y fait écho. Brusquement, le doute qui s'était immiscé en lui s’évapore. “C’est moi, Albus.” Il recule d’un pas et se précipite à l'intérieur lorsqu’elle lui ouvre. Refermant soigneusement le loquet derrière eux, il murmure presque immédiatement: “Asurdiato.” A ces mots, il la prend dans ses bras, le menton sur son crâne, la berçant tendrement contre lui dans un geste tout masculin. Ils se protègent mutuellement et ce soir ne fait pas exception. “Je suis venu dès que j’ai su.” Il caresse nerveusement ses épaules avant de darder ses ambres dans les siennes : “Dear, tu es seule... Où est Ilia ?”

Nuit de 1917 à Petrograd. L’épiderme rencontre l’autre dans une sérendipité troublante. Ayant voyagé depuis la Grande-Bretagne, l’anglais savoure sa présence entre ses bras. La savoir saine et sauve au milieu du chaos. Dans l'œil de la tempête, le trentenaire réalise que la Russie est au prémices d’une heure sombre de son histoire. S’il imagine ce qu’a vu Anka au cours des dernières heures, il ignore tout de son expérience et, surtout, des secrets que renferment ses pupilles affolées. Il veut partager la douleur qui l’accable. Nul besoin de legilimancie pour saisir la dureté des événements. Guerre civile déséquilibrée, qui ravage les êtres magiques les uns après les autres. Machination politique qui avale les soit-disant alliés du Tsar dans sa chute. Que savent-ils véritablement des sorciers ? Lui caressant la colonne vertébrale avec tendresse, Dumbledore forme un bouclier autour d’eux. De quoi retarder l’effet de possibles attaques, s’ils sont visités. Stratagème de fortune qui fera l’affaire le temps de leur échange. La danseuse s’exprime et il ne voit qu’elle. N’entend qu’elle. La Bulgarie semble loin derrière eux mais leur lien perdure. Une amitié pure et si complexe, qu’on la comparerait presque à une relation sanguine. Rencontrée au point culminant de sa propre mélancolie, elle est une des rares à l’avoir aidé à garder la tête hors de l’eau, se faisant le ciment de sa propre résilience. Fier, il ne le confie qu’à peu mais elle le sait et il compte bien lui rendre la pareille ce soir, alors qu’il l'étreint et l’enveloppe d’une affection mordante. Il a été tué. La mine d’Albus se déconfit brusquement, miroitant son désespoir dans une empathie toute naturelle. Ilia et lui n’ont jamais été proches mais ils se soutenaient. “Tué.” répète-t-il de son accent si particulier, emmagasinant le fait qui n’en est pas un. Il ne prend cependant pas la peine de vérifier l’information, creuser les méninges de son amie dans un moment pareil serait malvenu. Il place un pouce sur sa joue dans un geste réconfortant. “Je suis navré, Anka.” qu'il marmonne, la sincérité dans la voix. “Où se trouve-t-il ?” Son corps. Il n’est pas sûr de la réponse au vu de la situation politique, mais il a lui-même connu bien des pertes. Il sait combien il est important de pouvoir dire au revoir. Un dernier moment à honorer pour le défunt. Elle poursuit son discours mensonger et il n’y voit que du feu, n’imaginant pas une seule seconde l’horrible vérité. Massacres et disparition de la royauté sorcière. Le regard du brun se teinte d’une profonde tristesse. C’est tout l’univers, de celle qu’il considère comme une sœur, qui s’écroule sous elle. Tâchant de la rassurer, il resserre son étreinte. “Les journaux ne parlent que de ça. Les moldus sont capables d’une telle cruauté." affirme-t-il avec une froideur déstabilisante. Ce sont, après tout, les sans magie qui ont brisé sa famille. C’est à présent eux qui ravagent la nation slave. Comment peut-on leur faire la moindre confiance ? Dans la précipitation, ils entendent tout de même la porte gronder. La peur marque ses océans: “Il faut partir sur-le-champ.”

L’épiderme frissonne à l’aveu de la jeune femme. Entendant la confession qui n’en est pas une, il apprend la disparition d’un cousin dont il ne s’est jamais véritablement intéressé si ce n’est pour bénéficier pleinement de la présence de son amie en terres bulgares. Attardant ses iris azurés dans l’or de ses yeux, il perçoit un malaise auquel il répond avec un regard compatissant. Il égare ses phalanges dans le bas de son dos avant de l’étreindre tendrement de ses bras, la rapprochant contre lui dans un mouvement naturel et protecteur. Le caveau des Grishakov, la mention lui retourne le cœur. Les siens sont condamnés à errer entre les tombes de leur vivant, lui-même ayant passé de nombreux mois endeuillé à s’endormir la tête contre la steppe de ses parents puis celle de sa petite-soeur. Cette fois, pourtant, la nation slave est à la merci des flammes. Anka serait une cible facile, si elle s’adonnait à la pratique du veuvage telle qu’il la connaissent tous deux. Elle partage davantage de détails et évite de croiser son œil empli de tristesse et de compassion. Ignorant, il pose ses lèvres sur sa chevelure ébène. La mort est sans merci. souligne-t-il pour la consoler, lui offrant son soutien sans se douter du drame dissimulé par sa détresse apparente. Tu as été une épouse extraordinaire pour Ilia, n’est-ce pas ? l’interrogation comme une évidence mensongère dont il ne sait encore rien, Albus lui vouant une confiance aveugle. Elle évoque Artem et le britannique soupire, lui aussi doit aussi être dévasté. Où se trouve Art ? Lui et les autres sont à l’abri ? demande-t-il hâtif. Ils sont sa priorité bien qu’il ne doute pas qu’Abelforth lui aussi ait dû les rejoindre pour faire face à la fureur des sans magie.

La sorcière poursuit son récit lorsqu’un bruit sourd retentit dans la cage d’escalier, provoquant chez eux un sursaut. La danseuse étoile reste un instant figée avant de réagir enfin, récupérant sa baguette sur le parquet tremblant. Les pas des moldus se font insistants et bientôt on frappe à la porte, hurlant des paroles révolutionnaires slaves que lui-même ne comprend qu’à moitié. Il le savait au fond de lui-même, l’alliance de leurs deux peuples ne pourrait que durer un temps. Il aura fallu une nouvelle chasse aux russes magiques pour le réaliser. Fais-moi confiance. lui souffle-t-il à l’oreille. Refusant de prendre le moindre risque en attendant plus longtemps, il saisit le bras d’Anka et l’emporte dans un tourbillon qui semble au premier abord interminable, la distance parcourue se ressentant dans le sortilege. Transplanant tous deux, ils finissent par s'arrêter au milieu d’une chambre de pierre emplie d’ouvrages et d’objets rares et étranges, une fenêtre donnant sur les plaines paisibles d’Ecosse. Un paysage à mille lieux du chaos guerroyeur qu’ils viennent de quitter. Il se détache légèrement d’elle pour la laisser reprendre ses esprits. Personne ne te fera de mal à Poudlard. annonce-t-il calmement, agitant le bois pour allumer un feu dans l’âtre et l’accueillir. Reste avec moi, Anka, comme au bon vieux temps. Il ouvre une armoire et sort une chemise propre pour elle alors qu’une bouilloire retentit. La nippe est de la couleur des Gryffondors. Je dispose aussi d’une pensine, si tu souhaites te défaire de certains souvenirs.