(diana + mikhaïl) onward and upward

1922, Orphelinat Pyriev. Un éclair fend l’air suivi de trois silhouettes. Une femme accompagnée de deux hommes. Les traits de marbre de Dumbledore se détendent, alors qu’il pose sa valise et la cage de son volatile au sol. Examinant calmement son compagnon, il dévie les ambres vers ses hôtes. L’angliche n’est pas exactement ravi de sa venue en Russie. Les circonstances qui l’y mènent sont sombres et désastreuses. Une nation entière balayée par l'irrévérence hâtive d’un peuple moldu. Un air de déjà vu avec Salem, qui vaut au lion de déplorer la révélation du secret magique slave. Dans le silence, l'encéphale albusienne s'égare. L’ambassadeur songe à Gellert et leurs projets juvéniles, autant de songes qui lui semblent dès lors futiles. Se détachant de Fumseck qui se métamorphose soudainement en vulgaire rouge gorge, il plonge les orbes pénétrants dans ceux de Netchaïev. Lisant la détresse dans son regard, le légilimens voit le prix véritable de la mise en lumière sorcière : Ce dernier est macabre, recouvert du sang de leurs compères et comparses. Ravalant un frisson, il s'exprime dans sa langue natale : “Diana, Sir Netchaïev, mes condoléances.” La sorcière et lui se connaissent de Poudlard et il a pris le soin de lire le dossier du couple, sensible à leurs tournaments. Tout comme eux, Albus a perdu les siens. Une douleur presque insurmontable, qui plus est quand ils sont arrachés par le courroux d'autres. Vêtu d'un trois pièce en tweed gris, un accoutrement-déguisement typiquement moldu, le quarantenaire s'éclaircit la gorge. S’accent du sud de l'île anglaise vibre jusqu'à leurs tympans. S’il le dissimule par vulgaire courtoisie, la perspective de collaborer avec le Ministère ne l’enchante guère. Albus ne peut, cependant, ignorer la crise soviétique, pas même avec ses différends avec la Grande-Bretagne.

Des rires enfantins fusent du corridor et le distraient un instant. Ils sonnent si jeunes. Lui-même professeur en terres écossaises, il n’a plus l’habitude d’interagir avec des bambins de cet âge, pas depuis la tragédie qui a ébranlé sa propre fratrie. Une solitude froide brisée par la compagnie d’adolescents qui auront changé sa vie plus qu’ils ne le sauront jamais, l’extirpant d’une mélancolie dépressive dont il ne parle qu'à peu. Caressant sa barbe naissante, Albus entre directement dans le vif du sujet: “Cette collaboration sera précieuse à nos deux nations.” commence-t-il, le mot ambassadeur lui écorche la langue et il l'omet savamment, pas assez naturel à son goût. “Notre but à Moscou est de récolter des informations pour l'intelligencia britannique.” Prenant une profonde inspiration, il poursuit : “Le Ministère aimerait éviter une nouvelle guerre. Avec votre aide dans cette mission, nous pouvons encourager la population magique à se ressouder.” S’assurant qu’ils sont seuls, il tourne le bois qui lui sert de baguette. Un dossier tamponné apparaît. Les pages se tournent sous leurs yeux, précises et bien informées. “La prohibition a débuté circa 1917. Une vague de migration souterraine a vu le jour ici même. Un informateur a, notamment, mentionné la fondation d’une possible douma sorcière russe, mais Londres ne l'a pas encore localisée. Avez-vous des pistes ?” L'odyssée russe de Diana, Mikhaïl et Albus débute.

Dérivant les prunelles en direction de la sorcière, la perte relevée par cette dernière le touche profondément. Qu’y-a-t-il de pire que d’enterrer les siens ? De plus douloureux et désarmant. On a arraché à tous les deux une partie d’eux-même, écourtant l’existence d’un être qui ne verra plus le jour comme ils le feront le lendemain. Telle est la fatalité imposée par la faucheuse et les moldus. Une abomination aveugle qu’a dû subir leur enfant. Des Netchaïev aux autres dynasties du pays, les survivants portent le poids du deuil. Une affliction sans nom, que Dumbledore tente de panser avec la même compassion dont ont fait preuve ses proches, lorsqu’il a perdu sa famille à son tour. Hochant la tête calmement, il se recueille avec eux. Tandis que le sang-mêlé le connaît sous le titre de professeur, enseignant ce qu’il sait à ses descendants, Diana et Albus ont développé à l’adolescence une connivence certaine qui perdure avec le temps, renforcée à présent par la collaboration nouvelle avec son époux dont il sait encore peu de choses. Écoutant attentivement son discours, les iris de l’anglais s’agitent. Soucieux, il garde le silence jusqu’à ce qu’elle termine et lui répond dès lors : “L’émeute moldue était, elle, tristement prévisible.” Une mutinerie cyclique que le Ministère surveillait comme du lait sur le feu. “Les sans magie ont prouvé maintes fois qu’ils ne peuvent connaître notre existence sans nous considérer comme des cibles.” Il songe aux victimes de la conjoncture actuelle mais aussi à Ariana, dont l’agression a été un grand traumatisme. “J’en conviens également, convaincre le peuple ne sera pas une mince affaire. Ceci dit nous devons tout d’abord garantir la survie de ceux qui restent pour nous en rapprocher.” S'il comprend leurs craintes et l'expérience dévastatrice qu'ils viennent de vivre, Albus est aussi optimiste et ambitieux. Sa présence près d'eux a été calculée minutieusement et, s'il n'ignore rien du danger que représentent encore les bolchéviques, il se doit de garder le sang froid et d'agir. Ils font partie des acteurs de la rébellion sorcière.

Mikhaïl mentionne les miroirs ensorcelés des pègres et l’ambassadeur arque un sourcil. Il est intrigué par l’information, l'ingéniosité de l'être humain ne cessant de l’épater. “Des passe-miroirs.” L'œil vif se pose sur le propriétaire de l’orphelinat. “Y’a-t-il seulement un lieu où nous pourrions nous rendre ? J’aimerais collaborer avec une de ces organisations souterraines pour commencer. Gagner leur confiance et montrer patte blanche.” Il marque une pause. “J'ai entendu vos mises en garde. Quels sont vos conseils ?” Il acquiesce lorsqu’ils mentionnent pouvoir contacter leurs proches et autres connaissances locales. Ces derniers leur seront utiles. “Un nom est apparu plusieurs fois dans nos rapports. Dmitriyev. En connaissez-vous ?” demande-t-il aussitôt. Il s’agit des architectes magiques de la cité, concepteurs et propriétaires de plans qui leur seraient certainement précieux. Le directeur l’invite à changer de pièce et il s’exécute tranquillement, laissant son fidèle volatile dans une chambre avant de les retrouver.