Russian moon - Ft Misha Netchaïev

Le soleil hivernal déclinait à l'extérieur de la demeure. Installé derrière son bureau, le Comte Netchaïev n'y accordait pas la moindre attention. Un fait duquel, il aurait dû pourtant se soucier en temps ordinaire. Mais hélas, son esprit accaparé par la liasse de documents qu'il compulsait alors, lui avait fait complètement occulter la pleine lune naissante. Sans cela, l'homme se serait retrouvé à faire les cent pas, à travers la pièce, en ponctuant de-ci de-là constamment le trajet aller-retour, de petits coups d'œil soucieux par la fenêtre, dont le point de vue donnait sur l'artère très fréquentée à cette heure. Et qui à l'instar d'Égée, guettait non le retour de son fils, mais celui de son loup-garou de cousin. À défaut de faire cela, il se saisit d'une plume posée sur le sous-main en cuir, en trempa la pointe dans l'encrier, avant de ratifier le contrat qu'il venait à peine de terminer de parcourir. Misha s'en désintéressa aussitôt que ledit contrat fut déposé sur la pile de documents traités, s'intéressant désormais à une enveloppe cachetée par le sceau des MacMillan. Certainement une missive de son épouse, l'informant de la date de son retour à Moscou en compagnie de Timofeï. Ils s'étaient absenté tous deux, afin de passer les fêtes de fin d'années en Écosse auprès du reste de leur famille.

N'ayant pas pu les y accompagner de par ses obligations, Misha était resté ici, afin de les fêter en compagnie des orphelins placés sous leurs autorités. Les festivités avaient été agréables. Les petites frimousses emplies de joie, des enfants découvrant au réveil, l'amoncellement de présents au pied du sapin le matin de Noël, lui avaient apporté du baume au cœur, d'être privé des siens en cette occasion. Rires et hurlements avaient suivi l'ouverture des cadeaux. Cris et vacarme avaient tout naturellement régné en maître sur la demeure, le restant de la journée. Il savait que Diana aurait apprécié de contempler ce spectacle par elle-même, plutôt que d'être obligée de se le représenter, à la lecture de la missive qu'il lui avait fait parvenir les jours suivants. Il fut tiré de la sienne par quelques coups brefs frappés contre la porte. À la suite de son autorisation orale, la porte s'ouvrit sur le vieil Iouli, l'informant que Veikka le faisait demander au sous-sol. Il releva la tête en direction de l'horloge à balancier fixée au mur, remercia le messager, puis quitta son fauteuil, abandonnant la lettre de son épouse sur le sous-main en cuir. Sa canne en main, l'aristocrate s'en fut en direction des caves, d'un pas légèrement pressé. Certes, il y avait encore un peu de temps avant la transformation de son cousin. Mieux valait jouer de prudence, plutôt que de se retrouver avec plein de louveteaux crapahutant dans les couloirs sur les bras.

- Point de chaines, ni de collier pour toi cette nuit. Dit-il, en guise de préambule, tout en pénétrant dans la pièce dans laquelle Veikka patientait. Mikhaïl adressa un sourire à son cousin, avant de lui appliquer une tape sur l'épaule une fois à sa hauteur. L'entrainant à sa suite hors de la pièce, il le conduisit jusqu'à un grand miroir mural fixé au fond du couloir. - J'ai jugé préférable en ce qui concerne la sécurité des enfants, de t'accorder un présent pour cette nouvelle année. Timofeï et Diana m'ont aidé à le créer. Ne t'inquiète pas, ton secret est toujours mien. Il appliqua une série de petits coups sur le cadre en bois, à l'aide de la pointe de sa canne. - Mais, je pense qu'ils ont compris la vérité te concernant. Tu devrais leur confier ton secret, ils ne te trahiront pas. Le passe miroir désormais actif, il s'engouffra à l'intérieur du passage, en poussant Veikka devant lui, jusqu'à la petite clairière où cela menait. Devant eux, les murs de pierres de l'orphelinat avaient cédé la place à une forêt de conifères. - Ton loup à désormais quelques hectares de bois, pour se dégourdir les pattes. Et nous y avons amené un peu de gibier. S'il est occupé à chasser, l'ennuie ne risque plus d'être un soucis.