the ugliness of being a fool (anka)

the ugliness of being a fool.

--- The wasted years, the wasted youth, The pretty lies, the ugly truth -- And the day has come where I have died, Only to find, I've come alive. I wanna drink until I ache, I wanna make a big mistake, I want blood, guts, and angel cake. ●● ethereal (icons)

Une soirée masquée, lui avait dit Anka. Une soirée masquée moldue ?, avait demandé Renáta. Une soirée masquée moldue, avait affirmé Anka, en ne soulignant ni les joues empourprées de sa cadette, ni sa manière empressée de lui proposer une énième tasse de thé. Rétrospectivement, peut-être était-ce pour cela que la compagnie d’Anka lui était si agréable ; il y avait quelque chose de profondément familier, autant dans l’intonation de sa voix que dans sa manière de se comporter. Si tendre, si amicale, pleine d’entrain et d’idées ; alors que la capitale moscovite semblait absorber insidieusement bon nombre de ses réjouissances. Depuis sa scolarité à Koldovstoretz, la Russie lui était devenue étrangère – la langue n’était plus aussi tranchante sur le bout de sa langue, et tout n’était qu’une incompréhension latente dans un monde sorcier qui, dissimulé dans l’ombre, arborait des richesses à présent révolues.

Etonnamment, comme si Anka savait de quelle manière aborder les choses, la perspective de se rendre en terrain hostile ne l’a aucunement effrayée, bien que surprise. Prudente, pensive, mais exaltée à l’idée de profiter d’une soirée qui, contre toute attente, paraissait interdite. Le danger semblait minime quand sa confiance en Anka dépassait, et sans doute de loin, le bon sens. Car, de jugeote ; de justesse ; de lucidité ; il n’y en avait plus, lorsqu’elle prenait le parti de placer en Anka une foi presque religieuse.

Le manoir est éloigné du centre, à la bordure de la forêt. Les lumières sont éthérées, comme partiellement effacées par l’épaisseur de la nuit qui tombe, assombries par l’ombre des feuillages. Patiemment, Rennie attend. Elle resserre les pans de son manteau, et contemple de ses yeux sombres le bâtiment au sein duquel les invités se pressent. De l’index, elle suit le dénivelé du masque bleu, dissimulant la moitié de son visage. Sans qu’elle ne puisse se l’expliquer, les émotions qui jalonnent sa cage thoracique (de laquelle son cœur ne tardera sans doute pas à jaillir) sont multiples mais, à l’instar d’un épais bourbier, Rennie n’est pas capable de discerner ce qu’elle ressent. Se contente alors, dans son immobilité tranquille, dans son observation silencieuse, de se laisser absorber par l’inquiétude croissante – mais aussi ce qu’elle pense être de l’anticipation – sans qu’elle ne puisse en nommer davantage. Se laisse dévorer, engloutir, puis recracher en sentant la présence d’Anka à ses côtés.

Renáta se redresse et, le cœur réchauffé, comme apaisé de ce qui l’agitait, considère attentivement le visage de sa comparse. Elle l’observe ostensiblement de haut en bas, de sa coiffe jusqu’à la pointe de ses chaussures, et fait la moue en enroulant son bras autour du sien : « Tu es magnifique, remarque-t-elle de sa voix douce, basse, comme si elle espérait lui confier un secret, non pas que j’en sois étonnée. » Ses lèvres arborent un sourire bref, ne sachant pas de quelle manière l’appuyer, mais sincère, avant de reconsidérer le bâtiment vers lequel elles s’avancent désormais, bras dessus bras dessous. « Je n’ai pas l’habitude des soirées mondaines moldues, pardonne-moi si je commets des impairs, lui souffle-t-elle à l’oreille. » Aussitôt, son cœur se gangrène d'une acidité particulière ; légère, mais perceptible. Impression désagréable dans le creux de son ventre, de s'avancer au sein d'un cimetière.

@Anka Grishakova

the ugliness of being a fool.

--- The wasted years, the wasted youth, The pretty lies, the ugly truth -- And the day has come where I have died, Only to find, I've come alive. I wanna drink until I ache, I wanna make a big mistake, I want blood, guts, and angel cake. ●● ethereal (icons)

La présence d’Anka la rassure, et lime les contours de ses craintes. Il y a quelque chose en elle. Un éclat qui la captive, une tendresse qu’elle voudrait retrouver chez d’autres, notamment en Gellert en qui elle ne décèle qu’un agacement grandissant. Peut-être est-ce l’énergie du désespoir qui la pousse à se raccrocher à Anka, et à se complaire dans cette affection qu’elles partagent et lui réchauffe le cœur ; ou peut-être est-ce profondément désintéressé, la sincérité en figure de proue de cette relation qui s’aligne sur ses besoins personnels – plus que personnels, à vrai dire, intimes. Rennie a toujours été affamée d’amour, d’affection et de sympathie. Un besoin, qu’elle ressent comme étant viscéral, parfois éborgné par sa timidité, et sa réserve ponctuelle. Pour autant, il n’y a jamais eu de mise en berne en compagnie d’Anka – qui a toujours su de quelle manière lui parler, et comment attiser son intérêt sans l’effrayer. Elles se comprennent. Cette réalité la réjouit, sans qu’elle ne puisse clairement l’exprimer et ce, même si l’engouement en devient parfois physique, la joie accolée à ses sourires fréquents et à ses éclats turbulents d’euphorie.  

Instinctivement, elle resserre son étreinte autour du bras d’Anka. La possibilité de commettre le moindre impair, mettant ainsi son amie et elle en danger à la vue d’un monde qui ne les comprend résolument plus, lui fait ralentir le pas, peinant à caler la cadence de sa démarche contre celle de sa comparse. Les doigts d’Anka se saisissent des siens, les faisant s’entremêler. Son commentaire la fait rougir. En réponse, Renáta se racle la gorge. « C’est gentil, mais je préférerais n’en faire tourner aucune, et profiter de la soirée en ta compagnie –, mais elle ne souffle mot, intimement persuadée d’être pétrifiée si, dans un contexte comme celui dans lequel elles s’apprêtent à s’engager, un homme ose l’approcher. En y songeant, la paume de sa main libre devient moite, malgré le gant qui la protège du froid. Comme si Anka répondait à ses silences, elle la fait s’immobiliser, à quelques pas de l’entrée. Rennie bat des cils, l’observant de ses yeux énamourés tandis qu’elle efface ses peurs d’un revers de la main, s’obstinant à répondre à ses irrationalités par la perspective de profiter d’un moment divin. Elle finit par acquiescer, le fantôme d’un sourire barrant ses lèvres peinturlurées de rouge. « Montre-moi l’exemple, répond-elle simplement, le cœur léger. »

D’une même démarche, elles se dirigent jusqu’à l’entrée, en passent les portes et pénètrent à l’intérieur du domaine. Une fois dans la salle de bal, Rennie fronce les sourcils, faisant suite au conseil d’Anka, le nez désormais pointé vers les voûtes et les dorures de l’endroit. « Oh, je n’y ai même pas pensé, avoue-t-elle du bout des lèvres, en se défaisant de ses gants, puis de son manteau, tendant ses affaires à un valet qui vient à leur rencontre. Elle le remercie d’un petit mouvement de tête, attend qu’il débarrasse Anka, puis joint de nouveau leurs mains afin de l’entraîner vers le centre de la pièce. La musique joue déjà et, bercée par les violons, les couples commencent à se former, puis à tournoyer sous le lustre. Les robes virevoltent, les coiffures sont intactes malgré les mouvements. « Les robes sont si jolies… souffle-t-elle, hypnotisée par le spectacle qui se joue. » Du coin de l’œil, elle aperçoit un homme se diriger vers Anka ; ou peut-être est-ce vers elle, mais Rennie n’en a cure ; affolée à l’idée de perdre son acolyte l’espace d’une danse qui pourrait se multiplier en une cascade d’éventualités. Son dos se raidit. Elle se penche vers Anka. « Penses-tu que l’on puisse danser ensemble ? ou est-ce interdit par les moldus ? »

@Anka Grishakova