sleight of hands | ft. gellert grindelwald

Trouver quelqu'un qui accepte de partager l'art noble et délicat de la magie sans baguette n'avait pas été une mince affaire, et ça n'avait été qu'au détour d'une conversation sur un tout autre sujet qu'il avait fini par obtenir cette faveur, recherchée par tant d'autres comme lui. On l'avait averti, que la fière représentante de la lignée Agwu était une femme au caractère intransigeant et que peu avaient su persévérer sous sa tutelle sévère, mais ça n'avait pas ébranlé sa motivation, tout au contraire; apprendre auprès d'elle avait donc ce goût de défi qui lui plaisait tant..
Après une matinée mouvementée dans les locaux de la gazette, il avait ensuite passé le plus clair de sa journée à l'herboristerie, à étiqueter des bocaux d'ingrédients, et à préparer des concoctions simples, ce qui s'était avéré d'un ennui mortel. Heureusement, le mardi était le jour de son rendez-vous avec Darya, et la perspective avait largement amélioré l'après-midi.  Approchant de l'adresse indiquée, une bâtisse abandonnée comme il y en a tant dans la nouvelle capitale russe, il veille à ce qu'il n'y ait personne dans les parages avant de franchir la grille, qui n'a l'air que d'un vieux portail mal entretenu. Le ciel s'est paré de son voile nocturne, une brise glaciale s'élève et fait s'engouffrer l'air froid dans le col de son manteau. Vêtu de noir, il aurait presque l'air d'une figure d'outre tombe si la fourrure d'un gris pâle reposant mollement sur ses épaules ne venait pas trancher et apporter un peu de lumière à une tenue résolument austère quoiqu'élégante.

Ces rendez-vous hebdomadaires, il les attend toujours avec cette impatience qui a marqué ses plus jeunes années, où la soif de connaissance était à son apogée, seule ligne directrice de ses journées et parfois de ses nuits avant qu'une dose de débauche ne vienne se greffer à l'équation. Débarrassé de son manteau, il est guidé vers le coeur de cette demeure, bien plus accueillante de l'intérieure, où le luxe et la sophistication ne laissent pas deviner la tourmente des récentes années. Le domovoï a couiné des mots qu'il n'a saisis qu'à moitié, mais la force de l'habitude guide ses pas vers le salon où la médicomage l'attend pour leur leçon. Un sourire aux lèvres, il se dirige vers l'hôtesse qui l'a déjà gratifié de voeux de la nouvelle année. Sa prestance ne trompe pas sur ses origines, la pureté de ce sang qui court sous le derme et l'éducation qui lui est associée. A son tour, il répond avec cette sorte de détachement affable dont il sait se vêtir dans un contexte social. - Darya Grigorovna, always a pleasure to see you. Happy New Year to you too. Tout dans le maintien de cette femme transpire le charisme et l'assurance distinguée, et son aura teintée de cette espèce de malice sibylline répond à la sienne. Invité par la maîtresse des lieux, il s'installe dans le fauteuil face au sien tandis qu'un plateau flotte doucement vers eux jusqu'à se poser délicatement sur le guéridon qui les séparait.

Le malt tournant lascivement dans son verre, il pose l'un des livres qu'elle lui avait prêtés, pour guider sa pratique des gestes élémentaires. L'une des pages, s'ouvrant magiquement pour montrer une figure précise qui lui résiste encore et encore. - Not as nicely as I'd like... admet-il avec une moue contrariée. Il a toujours été vorace, prêt à relever un défi, mais relativement impatient dans l'acquisition de savoirs nouveaux. - This one has proved particularly challenging. Indique-t-il en montrant la page ouverte à son aînée avant de prendre une gorgée de l'ambre.

Il n'est pas le seul, à en juger par l'expression de son visage, à avoir eu du mal avec ces sortilèges, ces mouvements particuliers. Il pourrait être rassuré, de savoir que ce ne sont pas ses capacités qui sont en cause, mais au fond, il ne peut taire entièrement la voix traitre de la déception; celle de ne pas s'élever au dessus de la moyenne, de ceux qui font la grande majorité, comme il le faisait autrefois, du temps de ses études. Pourtant, il s'efforce de ne rien laisser paraître, et ça n'est pas une tâche si insurmontable en réalité, puisque le besoin de maîtriser le geste lui intime de ravaler cette fierté, d'aucuns diraient mal placée. A sa demande, exécute le mouvement, comme il l'avait compris, d'après les schémas posés sur les pages du précieux manuel, mais elle est prompte à déceler l'endroit où il fait fausse route. Souplesse. Il fronce le sourcil, perplexe, face à la remarque du professeur, ne comprenant pas vraiment où elle veut en venir, jusqu'à ce qu'elle prenne place à ses côtés pour apporter sa correction, non sans avoir, comme l'exige la convenance, demandé son accord. - by all means.. confirme-t-il, plus comme une formalité que comme une réelle autorisation, ils savent tous deux beaucoup trop bien le motif de ce qui les réunit quand bien même les apparences pourraient être trompeuses. Il pourrait voir, dans ces frôlements de doigts, une sorte d'étrange incorrection, presque une intimité qui n'a pas lieu d'être. Mais il n'en est rien, il a depuis longtemps cessé de voir dans les héritières d'Aphrodite, le moindre attrait physique, hormis celui de la beauté la plus pure et la plus indéniable, car il lui reste quelques vestiges de l'éducation et la sensibilisation au beau, transmises durant les années d'innocence.

L'avertissement donné est presque médical, il l'enregistre silencieusement, pendant qu'elle malmène ses mains, leur donnant l'aiguillage nécessaire pour reproduire ce mouvement si inhabituel et contre-intuitif. Il regarde avec attention, faisant fi de l'inconfort causé, attentif à ces gestes qu'elle guide avec la fermeté experte du maître. Puis elle montre ce que doit être le résultat, ce qui permet de provoquer la réaction, le sort, et la facilité apparente de son mouvement l'agace et le stimule à la fois. - How long before it starts feeling more natural? Interroge-t-il, avec une pointe d'impatience dans la voix, celui qui avait une soif si inextinguible de savoir, et montrait parfois encore la hâte folle de la jeunesse qui n'a pas eu à trop lutter pour réussir. - It's been weeks and I don't seem to be improving at all... l'échec, d'une certaine façon, qui lui fait plisser le nez de contrariété sans pour autant rompre le contact visuel, le duel des iris, et des volontés farouches.

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