words are silver, silence is gold.

Elle n’a pas pour habitude de traîner du côté du cabaret, encore moins dans les coins sombres de son bar. Mais elle s’ennuie Kasumi. Livrée à elle-même alors que Anka est sortie vivre sa vie, elle se perd la gamine. Elle admire les danseurs et les danseuses faire leur numéro se demandant si elle sera un jour capable d’en faire autant. Elle qui peine parfois à mettre un pied devant l’autre. Elle ne peut que rêver et regarder les autres vivre une vie qui n’est plus pour elle. Une vie qui lui échappe. Le barman vient la trouver et elle est bien incapable de lui adresser le moindre mot. Rien ne quitte ses lèvres désespérément scellées. Elle hausse les épaules et tentent de lui mimer son poison préféré. En vain. Il abandonne et elle se retrouve à nouveau seul dans la demie lumière des lieux. Invisible. Toujours. Son atout majeur. Le silence devenu un ami. La solitude comme seule famille. Le monde tourne sans elle et Kasumi en a la nausée. Chaque jour est une épreuve. Les souvenirs vont et viennent, toujours plus douloureux. La tête pleine de cauchemars qu’elle essaie d’oublier. Elle ne veut pas se souvenir Kasumi. Cette vie déjà trop compliquée.

Accoudée au comptoir, elle sursaute quand un homme lui adresse la parole et s’installe près d’elle. Perplexe, elle arque un sourcil avant de détourner le regard. L’angoisse qui s’installe doucement. Elle secoue doucement sa tête en haussant les épaules, mal à l'aise. Personne ne lui parle jamais à Kasumi. Elle est invisible. On l'évite. Elle est trop étrange. Là sans être là. Pourtant l'homme insiste et elle ose le regarder du coin de l'oeil.

Elle l’a déjà aperçu. Cet homme un peu bourru. Il traîne toujours autour du bar, dans le cabaret. Il joue des poings et de la voix. Et Kasumi ne s’est jamais approchée. Comme elle ne s’approche jamais de personne. Parce qu’elle n’a rien à dire. Parce qu’elle n’est rien. Petit animal discret, effacé. Rien d’autre que les oreilles du clan Roza. Position confortable qui lui convient. Elle a l’impression d’exister à nouveau. Sans savoir vraiment à quel jeu elle joue. Sans avoir conscience de sa place sur l’échiquier. Elle cherche seulement à se réinventer. Kasumi qui ne sait plus qui elle est. Kasumi qui ne veut surtout pas se souvenir.

Elle écoute sans le regarde, les yeux vissés sur ce verre qui l’appelle. Elle ne devrait probablement pas y goûter. Mais l’envie est plus forte et bientôt elle porte à ses narines le liquide qui dégage une odeur assez forte pour lui piquer les yeux. Elle le repose sans même y tremper les lèvres. Son regard attiré par ce que le fameux Anton désigne. Les danseurs et danseuses qui virevoltent sur scène. Ces êtres un peu magiques qu’elle envie parfois. Elle avise Anka, magnifique dans sa robe, et le sourire lui vient sans même qu’elle s’en aperçoive. Sourire qui perdure quand elle regarde Anton droit dans les yeux, reconnaissante d’avoir un allié de plus. Kasumi un peu trop naïve. Femme enfant.

Elle ne sourit plus quand il passe en revue les possibilités. A la recherche de son identité. Son statut elle préfère le garder secret. C’est ce qu’on lui a dit. Et elle obéit Kasumi. Détournant le regard, elle s’abstient, redevient statue de pierre. Elle n’est personne. Rien. Gamine des rues qui a échoué par hasard ici. Voilà tout. Ses yeux tombent sur le papier et le crayon ans qu’elle sache comment réagir. Elle aimerait pouvoir au moins prononcer son nom. Mais rien. Le vide. Elle apprend encore Kasumi. Dépendante de ses précepteurs. Mei lui a montré comment tenir un crayon, comment poser sur un bout de papier des lettres pour former des mots. Mais la tâche est toujours aussi difficile pour elle. Les mouvements pas sereins, ses doigts pas assez fins. Elle s’empare malgré tout du crayon pour tenter d’y griffonner ce dont elle se souvient. Peine perdue. Les traits n’ont rien de précis. Pire encore, elle ne parvient pas à garder l’objet plus de deux secondes entre ses doigts. Elle abandonne, peu fière d’elle, et fini par sortir un bout de papier froissé d’une de ses poches. Elle le tend à Anton, insistante. Après quelques secondes, elle capte à nouveau son attention et désigne tour à tour le papier et sa poitrine. Kasumi Akiyama c’est moi.

Elle a le regard étincelant de cet espoir un peu naïf. Celui qui lui colle à la peau. L’espoir d’être reconnu, l’espoir qu’on recolle les morceaux de sa vie éclatée. Mais ça n'arrive jamais. Ses espoirs brisés l’un après l’autre. Ecrasés sans ménagement par ce monde qui ne veut pas d’elle. C’est la mort dans l’âme qu’elle avance, fantôme invisible qui se confond dans le décor fait de neige et de brume. Il la voit Anton. Sa présence et sa proximité suffisante pour lui réchauffer un peu le cœur, avoir l’impression d’exister enfin. Douceur qui ne dura pas. Elle n’ose jamais y croire trop longtemps Kasumi. Gamine consciente de ce qu’elle a perdu, de ce qu’elle pourrait encore perdre. Elle ne s’autorise pas à tout donner, jamais. L’âme encore morcelée, le cœur brisé sans qu’elle n’en comprenne toutes les raisons. Ça lui donne la nausée d’y penser.

Bientôt l’euphorie passe et l’enthousiasme disparaît. Personne ne comprend. Kasumi reste une énigme et ça la pèse. Elle soupire en s’affaissant sur son tabouret, sa tête venant se reposer entre ses mains. Aussi sympathique qu’il puisse avoir l’air, Anton lui donne du fil à retordre. Elle est déjà lasse de devoir s’expliquer encore et encore. Fatiguée des gestes qui ne font pas sens. Epuisée de devoir hurler sans être jamais entendu. Fardeau trop lourd pour ses frêles épaules. Elle pense à Albus Dumbledore et ses séances d’entraînement sans fins. Peut-être qu’elle devrait accepter d’y retourner. Peut-être qu’un jour quelque chose se débloquera. Peut-être...

Alors que la voix forte de son collègue pour la nuit résonné à nouveau, elle arque un sourcil et se redresse pour le regarder articuler chacun de ses mots. Elle lève les yeux au ciel, fatiguée de ce petit jeu qui n’a rien de drôle. Il l’amuse pourtant Anton. Et elle apprécie ses efforts de communication. Un peu maladroit, mais terriblement charmant. Elle ne peut pas s’empêcher de sourire en hochant de la tête. J’ai compris gros bêta. qu’elle signe en sachant pertinemment qu’il ne comprendra toujours rien. Elle frappe le bras d’Anton avant de faire mine d’être forte. Elle est désormais sûre qu’il sert de gros bras aux Roza. Kasumi, elle, sert d’yeux et d’oreilles, alors naturellement elle désigne ses yeux avant d’amorcer un geste circulaire sur la salle. Elle répète l’opération avec ses oreilles. Tu comprends bêta ?