Let me forget (Aliosha)

To die, to sleep;
To sleep: perchance to dream: ay, there’s the rub;
For in that sleep of death what dreams may come
When we have shuffled off this mortal coil. Hamlet, Shakespeare

Le Temps des Cerises - Habits(Stay High)
Nutcracker Russian Dance

16 Novembre 1895 / NAISSANCE Le soleil est à son zénith lorsqu’Alekseï, troisième fils des Kovalenko, pousse son premier cri, après un accouchement difficile qui laisse sa mère épuisé. C’est un bébé minuscule né avant terme, un enfant fragile qu’Anouchka, sa maman, jure immédiatement de protéger envers et contre tout.

1895-1900 / PETITE ENFANCE Alekseï grandit entre l'amour inconditionnel d'une mère qui a failli le perdre, et l'absence d'un père, toujours en campagne, mais dont l'ombre plâne à chaque instant dans la grande maison de St-Pétersbourg. Sa mère refuse de le laisser à une nourrice, et est hyper protectrice, surveillant ses jeux avec Pavel, son aîné, d'un oeil de maman ours. Valeri, le plus grand, a neuf an de plus que lui, et, jaloux de toute l'attention que le petit Aliosha obtient, comment très tôt à le tourmenter, cassant ses jouets, le pinçant ou le faisant trébucher... Toujours sans se faire voir, frustré que le benjamin ne dise rien, ne s'énerve pas, et accepte avec placidité son ressentiment.

1901-1905 / ENFANCE A six ans, Aliosha montre les premiers signes d'une magie, en faisant léviter un ours en peluche caché au sommet d'une armoire pour le récupérer. Anna se réjouit de la magie qui coule dans les veines de son fils, et le confie plus souvent à la famille de son frère ou aux Pavlenko, des amis, deux familles magiques, pour qu'Alekseï fréquente des sorciers. Pour Maxim, cela ne change rien à son destin : il entrera dans l'armée, un point c'est tout. Un précepteur est engagé, et en plus de la géographie, du français et des sciences, Alekseï commence à apprendre la magie.

  Pavel s'amuse des capacités de son petit frère, mais pour Valeri, qui a 15 ans et un caractère brutal et amer, c'est la preuve que le dernier né est un monstre, une anomalie. Ses vexations se font plus féroces, et il prends l'habitude d'enfermer Aliosha dans le placard de sa chambre, terrorisant l'enfant à qui pourtant il ne vient pas l'esprit de se défendre. C'est à son cousin Misha, de dix ans son aîné pourtant, qu'Aliosha se confie parfois sur ce frère un peu trop "taquin", répétant des insultes que lui ne comprends pas, mais que Mikhaïl encaisse.

1905 / 10 ans Alekseï aurait dû partir pour Koldovstoretz, mais son père a été intraitable, refusant qu'il perde son temps dans une école de magie alors qu'il doit poursuivre ses études, et commencer à apprendre l'escrime et le tir. Misha pourtant lui offre une chouette de l'Oural, fière messagère, qu'il pourra utiliser pour lui envoyer des lettres depuis St-Petersbourg, à défaut de le faire depuis une école lointaine, dont il ne peut que rêver. Et si la chouette s'agite lorsque les deux jeunes hommes en viennent aux mains, Aliosha lui s'inquiète et essaie de les séparer, ne supportant pas ce conflit entre cousins. Valeri le rejette violemment et la tête du gamin heurte une commode. Valeri, se fait casser le nez par Misha, et le gardera tordu toute sa vie.

  Quant à la chouette... Elle est prénommée Pashka, et le suit encore aujourd'hui.

1912 / 17 ans Alekseï est un adolescent assez mince, peu assuré lorsqu’il part, au grand dam de sa mère, rejoindre l’armée. Valeri et Pavel sont partis eux aussi, et aujourd’hui, c’est son tour. Son père a choisi les hussard, après avoir vu son petit dernier monter à cheval. “Utilise les avantages que Dieu t’as donné”, dit-il. Mais seulement les avantages humains. La sorcellerie, non, on n’en parle pas, et Aliosha à l’interdiction de la montrer. Maxim veut qu’il soit reconnu pour son courage, pas parce qu’il est capable de faire apparaître des étincelles. Le jeune homme n’est pas sûr d’avoir du courage en lui. Son père est un général de légende, et ses deux frères font des merveilles, Valeri par son agressivité au combat, Pavel, par ses décisions stratégiques. Mais lui, qu’est-ce qu’il a?

  Ce qu’il n’a pas, c’est le choix.

Juin 1916 / 20 ans Soirée de la haute sur le front du Caucase. Le Tsar Nicolas II récompense ses héros. Alekseï en fait partie, pour avoir secouru son officier supérieur sous le feu ennemi, au mépris des consignes. Il lui sauve la vie mais gagne une importante cicatrice de brûlure sur le flanc droit. C’est Tatiana Romanov et sa sœur Olga qui prennent soin de lui à l’hôpital militaire où il atterit. C’est un coup de foudre, et le tout nouveau capitaine Kovalenko demande la main de la princesse à son père quelques semaines plus tard. L’excellente réputation du jeune homme et de sa famille poussent le tsar à accepter.

L’idylle dure quelques semaines encore, jusqu’à ce qu’Alekseï doive retourner au front, promettant à sa fiancée de venir la voir régulièrement. Il lui arrivait en effet souvent de transplaner jusqu’à elle, ne serait-ce que pour passer une heure avec elle, mais tenant toutefois la promesse faite à son père de ne pas réveler qu’il est un sorcier.

1917 / 21 ans L’année amène de grands changements dans la vie d’Aliosha, qui se bats pour son pays, mais le coeur inquiet pour Tatiana, en résidence surveillée, puis captivité dans différentes maisons au travers de la Russie. Même avec l’abdication de Nicolas, Aliosha reste fidèle au tsar et combat l’armée bolchévique et la purge anti-magie, contrairement au reste de sa famille qui se rallie, bon gré mal gré, aux rouges. L’indiscipline et le refus de plier d’Alekseï, qui continue avec son escadron à mener la vie dure à leurs ennemis, pousse ceux-ci à exécuter son père, afin de le punir et de le ramener à de meilleures dispositions.

  Valeri ne pardonnera jamais à son cadet la mort de Maxim.

Juillet 1918 / 22 ans Apprenant le transfert de Tatiana à Iekaterinbourg, Aliosha va lui rendre visite en cachette régulièrement, lui offrant plusieurs fois de la libérer, de l’emmener loin de tout ça. Celle-ci refuse à chaque fois, ne voulant pas abandonner sa famille.

  “Tout ira bien” avait-elle coutume de lui dire, lors de leurs rares moments seuls à seuls. Encore aujourd’hui, il lui arrive de sentir encore sa main sur sa joue, ses lèvres sur les siennes, et ces sensations lui tirent des larmes qu’il ne sait retenir.

  Le 16 juillet, lorsque le coup fatal est porté à Tatiana, Aliosha le sent. Un pressentiment. Il quitte son poste et transplane à Iekaterinbourg, pour trouver les corps de la famille impériale sans vie. La douleur le transperce et pour la première fois, il perds son calme, bombardant les conspirateurs de sorts en tous genres, causant la mort de certains d’entre eux. Il récupère le corps de sa fiancé et transplane avec, dans un lieu qui leur était cher, et l’enterre là-bas, sans prendre le risque de révéler l’emplacement de sa tombe qu’il fleurira régulièrement à partir de ce jour.

1920 / 25 ans “Les espoirs qu’il reparle un jour sont très faibles, Anna Fiodorovna.” Les médecins ne sont pas confiants. Le Capitaine Kovalenko, fier trompe-la-mort, n’est plus que l’ombre de lui-même, coquille vide regardant l’horizon. La mort de sa fiancée l’a plongé dans une profonde dépression, et il ne semble reconnaître aucune des personnes qui vient lui rendre visite dans la maison de repos où sa mère l’a caché, au cœur de la Finlande. Anna pleure son fils presque mort, et supplie son neveu Mikhaïl de venir lui rendre visite, espérant réveiller quelque chose chez Aliosha… ou que la magie de Misha puisse faire un miracle.

1922 / 26 ans ans “Tu as toujours été désolant, et c’est d’autant plus vrai aujourd’hui.” La voix de Valeri crache son venin dans la chambre plongée dans le noir. L’homme s’approche de son cadet, armant le chien de son pistolet. “C’est toi qui aurait dû mourir. Tu es presque mort déjà, et je viens finir le travail.” La détonation retentit, mais la balle se perds. La chatte d’Aliosha a attaqué, plantant ses griffes dans la main fraternelle, déviant le tir. Un éclair de lumière. Le bois de sa baguette serré dans sa main, Aliosha a jeté un sortilège de protection. Mémoire du corps que l’esprit ne maîtrisait pas. Valeri, estomaqué par la réaction de celui qu’on lui avait présenté comme un corps à peine vivant, reste interdit quelques secondes avant de penser à fuir.

  Dans son lit, Aliosha se redresse, regarde la silhouette de son frère qui disparaît. Puis il se lève, caresse Zina avec affection, le regard concentré pour la première fois depuis longtemps. “Je ne sais pas si je te mérite, Zina. Mais je suis content que tu sois là.”  

octobre 1922 / 27 ans Un Alekseï visiblement guérit est rapatrié à Saint-Petersbourg, puis à Moscou, sous l’impulsion de sa mère qui cherche à le protéger de son frère aîné. A Moscou, Aliosha est censé se faire discret, et vivre dans un petit appartement, sous un faux nom. Mais ses années perdues en maison de repos, la tentative de meurtre, le poids de la tristesse peut-être, le poussent à la démesure. Il boit sans compter pour assourdir la douleur, il passe de draps en draps pour oublier qu’il est seul. Il devient ce personnage exhubérant que les gens veulent fréquenter, aiment ou haïssent, alors qu’il est brisé intérieurement, mais refuse de le reconnaître.

janvier 1923 / 28 ans Le mode de vie dispensier autant que dissolu d’Alekseï Arseniev, l’argent qui lui brûlait les doigts, les fêtes, l’alcool… Tout ça a mené à une montagne de dette à la Rose Ecarlate, et bientôt, il a eu la visite des Roza qui lui ont laissé le choix pour rembourser ce qu’il leur devait. Donner sa vie, son corps ou son temps à la pègre, jusqu’à ce que sa dette soit effacé.