Illusions.

1896 -1907 / 0 - 11 ans  
7 Janvier 1886. L’hiver est rude, le vent glacial se glisse sous les portes. Les Karenine attendent un heureux événement. Le père et le premier fils attendent. Les cent pas résonnent dans le couloir de la chambre de leur mère. Elle hurle. Le bébé l’a fait souffrir. Le médecin sort en trombe, le front en sueur, le tablier en sang et réclame du linge blanc et propres à grand cris. Le jeune homme de douze ans court vers les armoires, le père s’inquiète et il a raison : l’enfant arrive en siège.

Malgré les cris, les odeurs de morts, la peur de la nuit précédente, c’est le calme et la sérénité qui les accueillent à la lueur du jour. Yacov est né. L’enfant et la mère vont bien. Les domestiques applaudissent, le père est fier : un autre fils viendra travailler dans l’entreprise familiale quand il sera en âge. Oska petit déjeune en trépignant d’impatience. Est-ce que son frère sera si petit qu’on le dit ? Les médecins disaient qu’il y avait des risques, maman est déjà trop âgée. Pourtant tout le monde va bien.

1892. Yacov est bizarre. Oska n’arrête pas de le répéter à leurs parents. La nourrice n’a rien remarqué. La mère s’inquiète, le père est absent. Glanice sait. Elle observe son cadet d’un œil presque mauvais. Serait-il comme sa propre soeur ? Celle-là même qu’elle avait longtemps jalousé avant de disparaître dans les bras d’un jeune russe propriétaire d’une fabrique de chaussures ? Pourtant, le petit Yacov semble tout à fait normal. Oska défend qu’il fait léviter ses jeux en bois. L’imagination des enfants n’a pas de limites. L’aîné prend sa mère pour une incompétente, elle y voit une hargne qu’elle connaît très bien dans son regard. Elle refuse d’y croire, elle n’a pas enfanté un enfant comme eux. C’est impossible.

Glanice se retrouve rapidement seule avec son fils et ses aidants. Les deux hommes de la maison sont à l’usine, le père formant le fils avec la comptabilité. Yacov ne montre aucune disposition à l’intelligence. Selon les rumeurs, l’enfant serait débile. Glanice est blessée, le père ne prête pas attention. Un enfant de six ans n’est pas censé apprendre à jongler avec des couteaux. Il ne sera pas une distraction pour les autres. Yacov est envoyé dans un pensionnat catholique pour sa première rentrée scolaire.

1892-1897
Paradoxalement, les règles sont plus laxistes, du moins, Yacov a plus de libertés. Si l’enfant vit très mal le fait d’être loin de sa mère, il se développe plutôt bien. Le cadet Karenine apprécie les temps en nature, l’étude des sciences et de la flore et la faune, nourrit une nouvelle curiosité pour les mathématiques. L’éducation musicale correspond à l’enfant. Don musical, facilités au piano, Yacov écrit sa première partition à neuf ans.
Le week-end, seule sa mère apprécie entendre le vieux piano du salon enfin être utilisé. Le père n’approuve pas, le frère se moque. Yacov est bien plus différent qu’il ne semble l’être.

Heureusement, à l'internat, il retrouve Marie. Une soeur qu’il n’a jamais eue, sa confidente. Duo inséparable, tout le monde les imagine mariés, vivant une belle vie dans une grande maison, avec au moins trois enfants.
Mais Yacov est renvoyé à presque onze ans, accusé de possession démoniaque. Excès de colère, punition injuste, les lumière clignotent, les livres et les feuilles volent : ce n’est rien d’autre que la matérialisation du Malin.

Glanice n’est pas dupe. Elle comprend la situation. Elle n’accorde plus un seul regard à son fils. Ses yeux sont rouges et teintés de honte et de désespoir. Le père ne comprend rien. Explications sont données, plusieurs disputent éclatent en même temps, et Yacov pleure. Il ignore qu’il passe sa dernière nuit à la maison Karenine.

1907  / 11 ans  Un homme barbu et un peu bourru arrive le lendemain et emporte Yacov. Il a un visage doux, mais il semble énervé. Yacov hurle, refuse de quitter sa famille. Il part sous le bras d’Abelforth Dumbledore, son oncle. Il n’aura même pas eu le temps de dire au revoir à Marie.

Yacov fait la rencontre de la famille anglaise de sa mère, celle dont il ignorait l’existence jusqu’à ce jour. Les Dumbledore l’accueillent, lui inculquent la magie, lui font découvrir un nouveau monde. Yacov ne parle pas. Ne sourit pas. Ne montre aucune émotion.
Yacov a peur.

Poufsouffle. Il déteste ce nom. Poudlard ? Il déteste cette école. Première année difficile à tenter de chercher un moyen d’échapper aux remparts du château pour retourner en Russie. Il n’a jamais sa baguette, refuse de faire de la magie. La relation avec les autres et les professeurs est compliquée. Yacov est terrorisé.

Des bagarres éclatent, les punitions s’enchaînent et Yacov devient rapidement le débile de Poudlard. Encore. Il ne parle qu’aux fantômes, refuse de se plier aux règles et aux coutumes, refuse d’apprendre l’anglais. C’est difficile.
C’est lorsqu’un soir qu’il se perd dans le parc, puis dans la forêt interdite qu’il fait la rencontre d’une créature fascinante. L'intérêt s’éveille, un sourire naît enfin sur son visage.
Et dès lors, tout change.

1908 -1915 / 12-19 ans

Retour en première année. Yacov doit être le seul élève de toute l’histoire de Poudlard à avoir recommencé, mais ça ne l’inquiète pas.
Il a trouvé un intérêt pour rester et il se montre beaucoup plus sympathique, plus ouvert et beaucoup moins pénible auprès de ses professeurs. Yacov n’est cependant pas un élève exceptionnel. Les sortilèges et la métamorphose sont ses bêtes noires, lui préfère chipoter dans la terre et avoir la tête dans un chaudron.

Au fil des années, Yacov tente de trouver sa place, il essaie. Fait des erreurs et beaucoup de conneries. Inconsciemment, il souhaite être remarqué et que son absence se ressente. La relation avec les Dumbledore s’améliore de manière générale, mais Yacov est toujours aussi distant et taiseux. Il les observe en silence, se sent accepté et accueilli, mais n’arrive pas à penser aux siens là-bas en Russie. Alberforth tente par plusieurs moyens d’entrer en communication avec Yacov, tente la Legilimencie et sombre dans la tristesse et le sentiment d’abandon de Yacov. L’enfant sous son aile à une nouvelle fois peur d’être abandonné. Beaucoup de choses s'expliquent, mais Yacov n’excuse pas le geste d’Abelforth. Les cours d’Occlumencie commencent en compagnie d’Albus dont le calme apaise quelque peu les tourments de Yacov.

Sa vie sociale et son anglais s’améliorent. De deux trois copains, il s'entoure d’un groupe d’amis, intègre même l’équipe de Quidditch au poste d’attrapeur. Toujours entouré, mais toujours solitaire à sa manière.

L’année des Buses, Yacov développe un réseau de poker dans les cachots. Petit manège qui dure quelques mois avant d’être découvert. Argent est mis de côté, avec son maigre capital. Les retenues sont salées, mais ça ne le dérange pas d’accompagner le Garde-Chasse. Crise de colère d’Abelforth lors des grandes vacances d’été ou les résultats des Buses tombent : Yacov réussit quatre Buses : Arithmancie, Soins aux créatures magiques, Botanique et Potion.

Et toutes ses années, la Forêt interdite l’intrigue. Sa rencontre avec un Phoenix en première année l’obsède. Il entretient (par intérêt) une relation amicale avec le professeur de Soins Aux Créatures Magiques, s’acharne à vouloir devenir son assistant pour pouvoir retourner dans la forêt. En dernière année, la requête est acceptée, et le professeur l’entraîne dans les méandres de la forêt lors d’une fin d’après-midi. Pour la première et la dernière fois, Yacov rencontre un dragon et plusieurs dresseurs. En fin d’année scolaire et du haut de ses dix-huit ans, Yacov décide qu’il deviendra comme eux : un dresseur de dragons.


1915 - 1917 / 19 - 21 ans
Poudlard est derrière lui. Yacov entreprend tout ce qui est possible pour s’approcher de son objectif, mais l’argent manque. Les galions ne fleurissent pas dans sa besace, et Yacov se voit prendre un travail dans une librairie.
Yacov déteste les livres.

Après deux mois, Yacov est viré. Sa besace n’a toujours pas pris un gramme. Tétu, borné, Yacov trouve divers petits boulots pendant une petite année. Ça paie pas grand chose, mais il ne compte pas ses heures. Aller étudier les dragons à Castelobruxo demande un certain investissement, et Yacov refuse toute aide. De toute façon, personne n’est jamais au courant de ce que veut ou pense Yacov.

Pendant qu’il était à Poudlard, Yacov n’a cessé d’écrire des lettres à Marie, celle qu’il a laissé en Russie. L’amour grandissait au fil des années, le manque à combler se transformant en désir. Yacov est amoureux. Il est dingue de cette fille. La blonde, dans sa dernière lettre, l’invite à revenir, et il n’en faut pas plus à Yacov. Passionné, il dilapide ses économies dans un appartement miteux à Moscou, se fiance à Marie, mais la révolution éclate, et le jeune homme avoue la vérité.

Il traîne quelque temps seul, perdu. Totalement dévasté par l’abandon de Marie suite à sa condition révélée. Il a quitté l’Angleterre du jour au lendemain, acte irréfléchi, guidé par la passion. Ça ne lui ressemble pas, ça. Mais Yacov est un grand romantique sous ses grands airs, et si ses objectifs de vie peuvent le tenir éveillé pendant des nuits entières et le faire travailler durant des heures, l’appel du cœur est beaucoup plus puissant. Il ne donne pas de nouvelles aux Dumbledore. Aucune.
Yacov a honte et se sent horriblement coupable.

La chute du Tsar accompagne dans sa chute la dignité de Yacov. Il ne vit plus. Il survit. Il accepte des petites missions miteuses, observe ses parents et son frère qui a entre-temps construit sa propre famille à travers les fenêtres, posté de l’autre côté de la rue. Yacov picole. Picole trop. Il vend sa baguette, dort là où il peut. Il n’a plus de chez lui, n’a toujours pas de place et n’a même plus de force pour pleurer. La trahison de Marie l’a bousillé.

1919 - 1923 / 23 ans - 27 ans Yacov traîne dans les rues, s’offre de quoi manger grâce à des petits contrats ici et là. Yacov ne prête aucune attention à la moralité et aux demandes particulières. Seul l’argent compte et non pas par vanité ou par cupidité, mais pour tout simplement survivre. Les temps sont durs. Il vit la révolution de plein fouet, joue les illusionnistes, parvient à subtiliser dans les poches, devient l’un puis l’autre, laisse traîner ses oreilles et vend des informations.

Finalement, il est pris dans le raz-de-marée qu’est la création de la Pègre, sans doute y a-t-il contribué sans vraiment sans rendre compte, mais ça arrange bien ses affaires. Yacov négocie, se crée un carnet d’adresse, reprend un peu de sa condition et se fait même embaucher comme pianiste au Casino Moldu. Yacov cache aux yeux des moldus sa condition de sorcier, et aux sorciers sa condition de né-moldu. Yacov rêve de retourner en Angleterre, une fois la guerre terminée. Il ne sait l’expliquer, mais il sent qu’il a son rôle à jouer, et il est peut-être temps de trouver sa place.

Au fil des années, Yacov tisse un réseau en lien avec les créatures magiques et retrouve un intérêt oublié. L’alcool glisse de moins en moins dans son gossier, YAcov tente de se reprendre en main au fil du temps.L’homme au cheveux bouclés devient une référence en matière de Domovoï, et il a la réputation de pouvoir trouver n’importe quelle créature. D’autant plus que sa position est efficace. Peu du peuple de la Pègre se trouvent du bon côté de la balance. Yacov ne veut ni la guerre, ni la paix. Il souhaite juste qu’on cesse de lui jeter la pierre pour son métissage involontaire. Se cacher, c’est vivre.