rusty nails and muddy waters (raylan)

1895 / asteria graves est encore jeune lorsqu'elle taille son chemin jusque dans la paroisse de terrebonne, assez jeune pour s'être laissée prendre aux jeux des amours russes, piégée par les charmes d'un étranger aux orbes océanes. de l'union prohibée elle ne garde qu'une photo, furtif moment de bonheur sur fond de cathédrale saint-basile, et le petit être qui s'agite sous son nombril. elle est encore jeune, trop jeune pour être mère, pour élever un enfant hors-mariage, alors quelques mois plus tard elle abandonne le nouveau-né sur le perron d'une église, avec pour seuls souvenirs un chiffon, quelques mots sur un papier froissé et la pellicule tâchée de regrets.
1902 / 7 ans petit garçon solitaire, raylan préfère le silence au chahut des autres gosses. il se réfugie sous les combles, loin des plus grands, des plus costauds, de ceux qui le brutalisent parce qu'il a ces airs de ne pas appartenir. il est timide, le gosse, mais il a la langue qui claque, pleine d'esprit et de sarcasme, sa seule défense contre ces tyrans de pacotille, puisqu'il n'a pas la force de rendre les coups, juste de courir assez vite et de se planquer là où les autres ne peuvent pas se faufiler. jusqu'au jour où les murs tremblent et le chandelier de la salle commune s'écrase sur le parquet et que les cadres ça et là virevoltent à travers la pièce, écorchant la chair tendre des brutes, laissant une chance à raylan de s'échapper, au-delà de toutes ses cachettes, loin de l'orphelinat, jusque dans la gueule béante de la nuit.
1906 / 11 ans (mention: traite et esclavage) il l'a ramassé dans la rue, après sa fugue, le vieux mage africain échoué enchaîné sur les rivages du mississippi près de cinquante ans plus tôt, il a eu pitié du mioche qui l'observait depuis les ombres alors qu'il exécutait un spectacle de rue, un tour de magie presque ridicule, pour une poignée de pièces, un quelque chose à manger, mais qui fascinait l'enfant qui ne comprenait pas ses propres dons. oleus mirande se prend d'affection pour raylan, il lui enseigne les secrets cabalistiques de ses ancêtres, des simples sorts aux arcanes les plus sombres, une chance de comprendre ce qu'il est et ce dont il est capable. le vieux devient tout son monde, sa seule famille, et il est heureux, l'adolescent, de découvrir les subtilités de sa magie, du vaudou et de la nécromancie, de vivre dans le bayou, au rythme des rivières et des saisons.
1909 / 14 ans il traine sous les tentes du cirque, il vend des tickets, file un coup d'main pour quelques illusions, dérobe dans les poches des badauds fascinés par l'improbable. on les appelle freaks, lui il les admire, il se sent à sa place parmi les différences, même si les regards des visiteurs s'interrogent sur sa présence. éternel carnival sur les bords du fleuve, à moitié chez lui, son monde hors du monde où personne ne juge ses silences. c'est l'endroit rêvé pour un gosse de son âge, immense terrain de jeu dont il ne se lasse jamais, pourtant y a ce quelque chose qui gratte dans l'fond de son crâne, y a des murmures qu'il est seul à entendre, ça lui file des frissons, il s'dit que ce n'est rien, juste les esprits des bois qui lui jouent des tours.
1912 / 17 ans ils l'ont tué. parce qu'il était noir, parce qu'il portait encore sur le visage les stigmates de ses années de servitude. ils l'ont tué. un soir comme ça, sans raison, parce qu'ils avaient décidé qu'il était moins qu'humain. oleus était la personne la plus humaine que raylan ait jamais connu. il s'est abaissé au niveau des tueurs, découvrant dans la violence une exaltation saisissante, presque libératrice, comme s'il apaisait quelque chose, ou quelqu'un, en dedans. le deuil et la fureur le précipitent dans une spirale infernale, teintée de cruor et de magie noire. lorsqu'on l'attrape pour le meurtre des assassins, on le destine à la potence avant de constater son insanité et de l'enfermer entre les murs d'un hôpital psychiatrique de la nouvelle-orléans.
1916 / 21 ans (mention: enfermement, maltraitance, tentative de suicide) il hurle à s'en rompre les poumons, les coups de pognes désespérés ont laissé des marques sur le ciment, les cris des cicatrices sur sa gorge éreintée, sa voix n'est plus tout à fait ce qu'elle était, sa face non plus. il traine encore une gueule adolescente mais les opales sont fardées de toutes les douleurs et les humiliations endurées, sur l'épiderme sont dessinés les excès, les expériences ratées, certaines sont pâles, elles ont presque la couleur de sa peau, les autres sont encore vives, se déclinent en mille teintes de rose et de carmin. les voix à l'intérieur de son crâne lui tiennent compagnie, elles le gardent en vie, retiennent une autre tentative manquée. les absences sont de plus en plus longues et dans les rares instants de silence il se dit que les trous noirs sont le seul moyen que son esprit ait trouvé pour se protéger de ses bourreaux.
1918 / 23 ans la silhouette embrassée par la lueur du jour semble irréelle, presque céleste et il doit lever une main devant ses yeux pour dessiner les contours de son sauveur. raylan essaie d'abord de s'enfuir, persuadé qu'il s'agit là d'une autre ruse, d'une autre 'science' dont on veut en faire le cobaye. mais gellert grindelwald est bel et bien venu pour le sortir de son enfer, parce que les secrets d'oleus sont à l'abri dans l'crâne du jeune homme et qu'il veut les dénicher. sauf qu'il ne parle pas, il est incapable de formuler des paroles raisonnées, terrifié, l'encéphale pollué, habité par les ombres et il peine à reprendre le contrôle. le sorcier hongrois l'emmène loin de ses terres natales, jusqu'en europe, jusqu'à paris, où il le laisse aux soins des rosiers.
1921 / 26 ans après des années à récupérer, lorsqu'enfin ses sens paraissent lui appartenir, il rejoint gellert à moscou, les deux hommes ayant développés un semblant d'amitié, une farce vraiment, raylan admirant ses discours et lui devant sa vie, gellert aveuglé par les promesses d'auroa de pouvoir un jour ramener ariana d'entre les morts. en arrivant dans la capitale moscovite il reconnaît la cathédrale qui ornait l'intérieur du cadre de son seul héritage. chaque détail observé des milliers de fois, ancrés au fer rouge dans sa mémoire, il retrouve même l'endroit exact où sa mère (et son paternel?) se sont tenus vingt-sept ans plus tôt. frappé d'une étrange nostalgie et du désir d'en apprendre davantage sur ses origines, il part sur les traces des lazarov, perdant un temps l'espoir que le mot inscrit sur le revers du cliché ait une véritable signification. jusqu'à ce que son enquête le mène jusqu'à l'hôpital où on lui montre du doigt l'homme qui partage son nom, grisha. il l'observe sans oser l'approcher, souvent un parmi la foule sans jamais faire un pas dans sa direction, paralysé par la peur et la rancoeur, submergé sans comprendre par les battements et les contradictions.
1923 / 28 ans raylan traine dans des mauvaises affaires, il se fait violence lorsque nécessaire, prix à payer pour limiter ses absences, comme si auroa se nourrissait du trouble, cohabitation éprouvante mais qu'il supporte, pour gellert, parce qu'il a besoin des connaissances du fantôme qui vit dans le fond de son âme, l'américain lui doit bien ça, lui qui maintenant, grâce à l'herboriste, connaît la liberté, parce qu'il hait les non-mages et qu'il prend sa revanche sur leur nature, parce que ce sont eux, les monstres, et qu'il a de la colère à revendre. toutes ses émotions sont bercées de confusion, il est instable, à vif, en permanence, et sur le bord du coeur flétri de méfiance et de déception, un prénom s'esquisse, renáta grindelwald, comme une onde de douceur, baume improbable auquel il voue sa loyauté sous le couvert de sa dévotion au frère aîné.