Wishing upon a Death Star

automne 1897 Aleksandr, surnommé Sasha par ses proches, est assassiné en pleine rue par un Moldu en plein cœur de Moscou. Celui-ci sera retrouvé puis interrogé. Il confessera avoir commis cet acte odieux par rébellion envers les sorciers en général et plus encore ceux aux opinions aussi tranchées que feu ce journaliste. Quand la sentence de culpabilité tombera l’homme rira prédisant des temps sombres pour ces créatures nées selon lui de l’enfer. Les sorciers en avaient ri. Ils n’auraient pas du.

été 1898 naissance à Moscou des jumeaux Anatolyi et Sasha. Leur mère étant écrasée de douleur par un veuvage dont elle ne se remettra d’ailleurs jamais totalement la tutelle des jumeaux et de leur confortable héritage est confié à leur oncle Evgueni. Celui-ci les élèvera et les aimera comme ses propres enfants.

1902 / 4 ans Leur oncle étant envoyé en Bulgarie pour vaquer à ses affaires de diplomate c’est donc là que les jumeaux et leur mère posèrent eux aussi leurs malles. Cela n’aurait dû durer quelques semaines cela perdurera sur plusieurs années.

1905 / 7 ans Ce fut cette année que Sasha rencontra celui qui, ensuite, ne fut jamais quitter sa vie. Volya Karkaroff. Enfant étrange au teint de Lune et aux yeux aussi clairs que les siens. Enfant légèrement plus âgé qu’elle mais qui semblait toujours si seul. Ils étaient si différents qu’ils auraient du s’éviter si ce n’est même se détester. Au contraire ces deux là se choisirent. Partageant leur tout premier secret. Posant les bases d’une relation qui n’en finit plus de s’écrire.

1908 / 10 ans Son maître de ballet lui trouvait du talent à cette gracile enfant qui ne rêvait déjà que d’être une étoile parmi les étoiles du Bolchoï. Sa mère n’osait y croire. Son oncle, lui, voulait que Sasha pourchasse ses rêves. Aussi exigeant et éprouvant soit l’enseignement de l’Academie du Ballet du Bolchoï. Si elle était admise alors il la soutiendrait. Ce n’était qu’une enfant mais déjà elle apprenait. Que les rêves avaient un prix. Que pour obtenir ce que l’on souhaite il faut être prêt à faire des sacrifices et, même, à souffrir. Cette année là Sasha saisit sa chance. Et commença à grandir. En choisissant aussi de rejoindre cette prestigieuse institution où elle avait été admise. En se séparant de sa famille et de son meilleur et si précieux ami. Elle avait choisi. Et, déjà, commencé à grandir.

1908 – 1916  / 10 à 18 ans Pensionnaire au sein de cette académie qui la forge autant que l’épuise Sasha passe par des moments de solitude extrême. Elle la petite sorcière qui, sur les conseils comme toujours si avisés de son oncle, a dissimulé sa nature comme son don de métamorphomage à tous. Lui qui baigne dans les eaux troubles et de plus en plus agitées de la politique sent que les choses changent et que l’équilibre entre les deux monde est plus que précaire. L’enfant ne comprenait pas. L’adolescente aurait voulu se rebeller mais voir le regard de ses maîtres de ballet changer sur leurs élèves ouvertement sorciers la musela assez pour ne pas la mettre en danger. Dégoût d’elle-même devant la facilité avec laquelle elle dissimule sa nature. Impression de renier l’héritage de son père. Et, déjà, l’envie de vengeance s’embrase en elle. Pour danser elle pousse son corps au-delà même de ce dont elle se pensait capable. Elle l’eau de ses larmes et pleure le sang de sa douleur. Mais son corps tient bon et déjà elle se transforme trouve dans les mouvements et les pas sa façon d’exprimer ce qu’elle ne peut faire autrement. Sauf auprès de Volya. Celui dont elle espère les si rares visites comme elle le sait attendre ces plus rares fois encore où Evgueni la ramène à lui pour quelques jours. Volya à qui elle écrit chaque semaine, parfois même plusieurs fois par semaine. Le confident de ses peurs comme de ses colères. Lui a qui elle conte son quotidien et ses envies parfois de renoncer. Lui qui, toujours lui répond pr ces lettres qu’elle conserve dans le tiroir du bureau de sa chambrée entourées d’un ruban de satin violet. Volya son ami d’enfance. Son ami de l’adolescence. Il ont grandi l’un et l’autre. La chrysalide bientôt deviendra papillon. Et tout changera.

1917 / 19 ans chute tsariste et destruction du monde magique russe.
Et la douleur ainsi que la frayeur qui furent siennes alors qu’elle apprenait, assistait de si loin, à l’effondrement de son monde. Elle qui se savait à l’abris entre ces murs où tous la prenaient pour l’une des leurs. Une Moldue. Plus que jamais l’envie de les détromper, de révéler sa vraie nature.  Mais elle n’avait pas encore le sens du sacrifice de son père. Nulle envie de mourir, tout simplement. Trop de rêves à embrasser. Une vengeance à assouvir. Et tant de gens pour lesquels s’inquiéter. Sa tante qui périt sous la folie meurtrière de ces moldus qu’elle aura toute son existence tenté d’aider. Elle était morte de la main même de ceux qu’elle n’avait que trop aimés. Amère ironie… Le reste de sa famille allait bien. Elle en fut soulagée et heureuse mais son cœur, curieusement, ne s’apaisa vraiment que lorsqu’elle reçut des nouvelles de Volya. Il allait bien lui aussi. Elle se souvient aujourd’hui encore de lui avoir répondu qu’elle se fichait éperdument des dangers mais qu’elle voulait le voir. Qu’elle avait besoin de le voir. Peut-être est-ce là, quand elle insista tant et tant allant même jusqu’à le supplier, que Evgueni commença à soupçonner ce que sa nièce elle-même ne semblait pas comprendre. Pourtant il eut suffi de la voir se précipiter vers son ami de toujours et lui sauter au cou  pour comprendre que si dans ce monde tout s’écroulait et tombait en ruines il existerait toujours des êtres qui, sans même s’en rendre compte, bâtissaient déjà le monde de demain. Il suffit parfois de la musique de deux cœurs aveugles.  

1918 / 20 ans Année riche en émotions pendant laquelle la jeune femme sentit sa vie prendre un nouvel élan. Si fort qu’elle aurait pu en avoir peur si elle n’avait pas su pouvoir compter sur le soutien de Volya. Dix ans… La moitié de sa vie passée entre les murs de ce théâtre qui avait été témoin de ses larmes de douleur, de doute et d’exultations aussi. Dix longues années si bien dédiées à son art depuis toujours passion qu’elle ne s’imaginait pas même que cela puisse cesser un jour. Et pourtant. Son apprentissage était fini et, elle le savait, plus d’une opportunité s’offraient à elle. Des compagnies renommées leur avaient, à elle comme à plusieurs de ses compagnons de promotion, de les engager. Elle allait pouvoir voyager et voir ce monde dont elle ignorait encore trop de choses. Vivre dans d’autres pays, apprendre d’autres langues et découvrir d’autres cultures. Une compagnie devait même se produire à Paris sur les planches de l’Opéra Garnier ! Un rêve. Le sien. Depuis toujours. Ils la voulaient. Elle n’avait qu’à dire oui. Et c’est en effet ce qu’elle leur avait répondu. Même si elle ne partit jamais avec eux. Au dernier moment, le lendemain d’une fête dantesque organisée par sa famille pour fêter son départ Sasha avait finalement repoussé l’offre pour intégrer le corps de ballet du Bolchoï. Sa maison, qu’elle dit. Ses racines, qu’elle ajouta. Son cœur, aussi. Loin d’être dupe son oncle lui avait demandé la véritable raison de son changement d’avis. La danseuse avait souri et répondu qu’aucune étoile de la danse ne vaudrait jamais ces myriades d’autres suspendues aux voûtes célestes d’un regard. Evgueni n’avait rien dit. Il comprenait.

1919 / 21 ans exode à moscou et fondation des pègres magiques souterraines.
Les sorciers à avoir réchappé à ce qui ressemble à rien de moins qu’une purge se sont tous réfugiés sur ces terres moscovites où, terrés au milieu des cafards ils tentent de survivre pour la plus grande majorité. Et puis il y a ces poignées d’autres. Ces opportunistes de la pègre qu’elle aurait presque été tentée de rejoindre si leurs manières et plus encore leur refus de prendre parti dans une guerre loin d’être finie n’avait pas écœurée celle vint naturellement rejoindre les rangs des partisans du Consortium. Ne faisant ainsi qu’emboîter le pas de son oncle et de son frère déjà bien impliqués eux aussi.

1920 / 22 ans Lassée de devoir supporter les jérémiades de sa mère qui ne cesse de la presser de prendre un mari Sasha décide de déménager. Au départ Anatolyi et elle envisagent de prendre un petit appartement ensemble dans le quartier nord de la ville. Entre sa paye de désormais soliste et l’argent gagné pr son double les deux auraient pu prétendre à quelque chose de plutôt plaisant. Et puis leur oncle leur avait promis son aide aussi, n’est-ce pas ? Pourtant ce fut séparé le que ceux que l’on pensait inséparables finirent par s’installer. Incompatibilité d’humeurs a les en croire. Leur mère étant persuadée que les ambitions politiques  trop similaires et leurs rythmes de vie bien trop opposés, eux, avaient eu raison de leur relation fusionnelle. Ce fut finalement l’une des danseuses du corps de ballet qui lui indiqua l’adresse avenue Tvetskaia où la demoiselle emménagerait quelques jours plus tard seulement. Et à peine une poignée d’autres avant qu’elle ne soit rejointe par un voisin de pallier des plus familiers et avec qui elle est adore aujourd’hui encore regarder les étoiles allongés si sagement sur le parquet de l’un ou l’autre de leurs appartements. Vie qui s’organise presque si paisiblement que la jeune femme en aurait presque oublié son envie viscérale de venger la mort de son père et de faire choir les Moldus de ce piédestal où ils s’étaient imposés ces cafards ! Heureusement les réunions du Consortium l’aidaient à se recentrer. D’ailleurs à force d’implication ses efforts avaient été remarqués et encouragés en lui permettant de devenir informatrice. Elle qui vivait au milieu des Moldus depuis bien avant la révolution personne ne la soupçonnerait.  Pas faux.

1921 / 23 ans il avait suffit d’une soirée. Elle se souvenait d’avoir été plus nerveuse que jamais avant cette représentation où elle serait soliste dans l’une de ses œuvres préférées « La Belle au Bois Dormant ». Elle connaissait pourtant le rôle par cœur et ses maîtres de ballet le lui assuraient : elle serait comme toujours parfaite. Elle n’était pas celle qui avait la meilleure des techniques au sein de ce gigantesque corps de ballet mais elle était des rares à être le rôle et non pas simplement de contenter de l’incarner. Elle n’était pas une danseuse elle devenait la danse dès lors qu’elle paraissait sur scène. Mais ce soir et comme pour oublier les conséquences de la révolution sur leurs minables existences les cloportes avaient décidé d’inaugurer en grandes pompes la salle Beethoven. Certains puissants seraient là et elle, la sorcière, danserait pour eux. Quelle sublime et cruelle destinée ! A moins que cela n’en soit risible ? Sasha avait tenté de se rassurer en se répétant que ce serait l’occasion parfaite pour glaner quelques informations pour le Consortium. Et si la danseuse échouait elle pourrait toujours user de son don de métamorphomage pour se faire passer pour une serveuse lors de la réception qui devait suivre la représentation. Maintenant qu’elle maîtrisait parfaitement ses transformations cela serait un jeu d’enfants ! Oui, cela était un excellent plan ! Sauf que Sasha oublia ses politiques intentions dès lors que l’euphorie la gagna. Elle était promue ! Elle était désormais des très rares à avoir rejoint le firmament des étoiles russes. Honte de devoir cette joie à l’un de ces Moldus qui saluèrent sa prestation comme son avènement par des tonnerres d’applaudissements. Plaisir coupable que de fêter cela au bras de son meilleur ami. Cet homme dont on lui demanda à plus d’une reprise qui il était. A la première fois elle avait répondu qu’il était son meilleur ami. C’était vrai. A la seconde qu’il était l’homme le plus important de sa vie. Cela aussi était en un sens vrai. A la troisième fois elle se surprit à le présenter comme son compagnon. Pour ainsi dire presque son fiancé. Ceci était… la meilleure des opportunités ! Sans même avoir besoin d’en parler ensemble ces deux complices étaient tombés d’accord pour feindre d’être aux yeux du monde ce que ce dernier semblait vouloir voir en eux. On les prenait pour un couple. Ridicule ! Ils se connaissaient par cœur, se de in aient si bien que cela faisait des années que le silence ne leur faisait plus peur, était devenu leur complice. Ils savaient pouvoir se faire confiance en tous lieux toute heure et que tous sujets. Ils étaient pourtant parfois radicalement différents mais avaient fait de cela le point d’ancrage de leur équilibre. Oui ils partageaient tout et ne pouvaient s’éloigner trop longtemps l’un de l’autre. Oui, ils s’adoraient mais de là à les imaginer comme amoureux ! Ils ne s’aimaient pas ils s’adoraient. La nuance était importante… non ? Juste comme cela… C’est quoi la définition d’un couple déjà ?

1922 / 24 ans  Lorsque le piège commença si doucement, mais inexorablement, à se refermer sur eux. Volya et elle avaient joué et se retrouvaient pris au piège de leurs propres mais si tendres mensonges. Les voilà fiancés. De la plus officielle des manières. Avec le consentement des familles et même comme une pointe d’impatience de les voir convoler ? Peut-être bien. Sasha avait qu’il leur aurait suffit d’un mot pour que cesse cette farce. Elle avait même cru que ce mot, cette vérité, ce serait lui qui les prononcerait. Lui qui était droiture et honnêteté là où elle usait de tous les moyens même les plus illicites ou les plus discutables pour arriver à ses fins. Mais Volya n’avait rien dit et … Sasha avait laissé les choses se faire. Une soirée dont elle chérit sans le dire le doux souvenir. Et des lendemains auxquels elle n’avait jamais songés qui s’esquissent sur la ligne toujours si floue de son horizon. Et la peur qui pour la première fois peut-être de sa vie s’immisçait en elle. Il n’était pas fait pour la vie qu’elle s’était choisie. Et Sasha ne renoncerait pas. Pour rien. Pour personne non plus ? L’étoile danse mais ses mouvements sont empreints de fureur comme de mélancolie. Elle danse pour mieux hurler ce que ses lèvres ne diront jamais. La haine et l’amour ne font pas bon ménage. Honnir un peuple qui lui a tant pris et aimer un ange lunaire ? Non. L’un ou l’autre il lui faudra choisir et elle déteste cette simple idée. Parce que, même si elle refuse admettre l’aimer elle y tient à son prince de Lune. Mais il mérite mieux. Et elle est allée trop loin pour s’arrêter maintenant. Elle vengera son père et luttera pour voir la suprématie des sorciers rétablie. Sa guerre. Mais que la sienne.

6 janvier 1923 / 25 ans  Le temps qui file sans aucun espoir de le rattraper ni même de le retenir. Le temps qui s’enfuit et elle qui se sent épuisée. Lassée presque blasée. Ce soir une représentation importante doit être donnée. Ce soir elle doit danser. Mais en elle monte un étrange pressentiment. Ses prunelles azurées qui viennent effleurer la surface du miroir. Dans son dos elle voit la vieille horloge, seule transfuge du domicile de son oncle. Depuis toujours Sasha aimait à se rassurer au trot de ses aiguilles. Doux chuchotement qui, soudain, se figea. Les sourcils de la sorcière qui se fronçaient et en son cœur le malaise qui s’invitait. Des bruits à sa porte. Sans doutes Volya ils avaient prévu d’aller se promener un peu avant qu’elle ne rejoigne le théâtre et ne se prépare. Son corps longiligne qui se redressait faisant tomber du bout de sa main un verre qui s’en alla se briser au sol. La jeune femme qui fermait les yeux pour mieux souffler son agacement. Des étoiles tranchantes qu’elle ramasse sans parvenir à éviter de s’entailler légèrement la paume. Son regard, interdit, qui regarde le liquide rubicond perler à sa peau. D’autres coups à sa porte. Elle qui se secoue. Sasha n’a jamais cru aux présages. Elle ne va pas commencer aujourd’hui. Se ressaisissant elle court vers l’entrée de son appartement. Se moquant intérieurement d’elle-même. Ce soir sera une soirée parfaite. Non ?