memories of an old friend (tadeusz)

10 février 1923 — L’endroit est peu fréquenté, l’heure peut-être trop tardive, peu propice aux rencontres qui se solderont par une nuit d’étreintes. Elle ne cherche pas à s’émouvoir Syuzanna, encore moins à se perdre dans des bras inconnus. Si elle s’est perdue dans ces lieux clandestins, c’est uniquement par nécessité. Celle qui l’emmène toujours plus loin vers la pente glissante du savoir. Ce besoin constant de découvertes. L’obsession dévorante qui a fait d’elle une chercheuse hors pair. Maginologue de talents qui ne peut se débarrasser de son nom. Cette nuit, dans l’ambiance feutrée du Boyarski, elle n’est personne. Rien qu’une ombre de plus. Une âme en perdition à la recherche d’un quelque chose qu’elle seule connaît. On lui a promis des informations de premières mains qui devraient changer la donne pour la Défense Magique. Promesse nébuleuse. Mais promesse qu’elle se doit de vérifier. Elle s’assure que son stylo plume renfermant sa baguette magique se trouve bien dans son petit sac. Sécurité toute relative dans ce monde en noir et blanc. Elle commande un verre de vodka qui l’aidera à se fondre dans le décor. Le regard balayant les quelques clients qui s’attardent à la recherche d’un visage familier, d’une étincelle. Personne ne lui prête attention et Syuzanna doute de la véracité de ses informations. Celui qu’elle attend peut-être déjà parti. Ou jamais venu. Le piège se referme, écrase sa poitrine.

La nuit s’allonge tandis qu’elle s’enfonce dans les salons privés où elle pourra rassembler ses idées, devenir invisible. Combien d’autres comme elle ? A comploter, tenter l’impossible. A essayer de dénouer les nœuds d’une révolution qui n’en finit plus. Quels jeux morbides se jouent entre ces murs suintant le tabac et l’alcool ? Elle devrait rentrer. Profiter des quelques heures qui restent avant le lever du soleil pour dormir un peu. Mais elle sait Syuzanna que son esprit ne la laissera pas en paix. Il y a longtemps que le repos l’a quitté. Et alors qu’elle s’apprête à prendre place dans un petit box, à disparaître complètement des yeux et des oreilles, elle entend distinctement une voix venue d’outre-tombe. L’impossible rendu vivant. Les entrailles tordues, le souffle coupé, elle ose à peine se retourner. Son esprit fatigué finalement à bout. Seule explication logique à cette apparition qui ne peut être. Les yeux se ferment dans une prière silencieuse. Make him disappear. Parce qu’il n’est pas réel. Parce qu’elle l’a perdu lui aussi. Elle croyait en avoir fini avec les visions macabres. Elle pensait être débarrassé de ses cauchemars éveillés. Tromperie qui risque bien de lui coûter la vie. Les graines de la folie germent à nouveau. Elle en connaît la signification. On l’a déjà mise en garde. “Seeing dead people isn't a good sign, even in the wizarding world.”

Un, deux, trois. Les paupières s’ouvrent brusquement sur cette réalité qui ne peut pas exister. Lui désormais si proche qu’elle pourrait le toucher. Fantôme de ce passé qui ne lui laisse aucun répit. "Tadeusz.” qu’elle murmure avec l’espoir de le faire disparaître.
Please, go away. Leave me be.