we're part of a story, part of a tale (indrina)

Le soleil brillait haut dans le ciel de février, et la journée était belle. Après quelques jours de tempête de neige puis une grisaille insupportable, c’était un réel plaisir de voir enfin le soleil poindre à travers les nuages et de pouvoir profiter de sa chaleur, malgré le froid qui restait mordant. C’était un des rares jours de congés de Valentina, et la beauté des paysages l’avait appelée dehors. Emmitouflée dans son manteau, elle était partie pour une balade sans but, pour le seul plaisir de se retrouver en-dehors de la ville. Elle avait vécu une grande partie de son existence dans des petits hameaux ou sur les mers, et elle avait du mal à s’habituer à la vie cloîtrée dans une cité aussi imposante et écrasante que Moscou. Mais la marche vers l’extérieur de la ville lui fit du bien, et bientôt elle se retrouva à la lisière de la forêt. Le souffle un peu court, les joues rougies par le froid et l’effort, elle s’arrêta un moment, la main posée sur le tronc d’un arbre, et se retourna pour contempler la ville derrière elle. Elle n’avait aucune envie d’y retourner, pas si vite. Le morne quotidien là-bas lui semblait soudain insupportable, maintenant qu’elle se tenait à quelques pas des profondeurs de la nature. Elle avait entendu des rumeurs sur ces bois, et sans pouvoir démêler le vrai du faux, elle avait trouvé tout ça aussi intriguant que délicieusement terrifiant. Plusieurs fois elle s’était demandé si elle oserait s’y rendre, juste pour voir … Quand elle était gamine, ce genre de question ne l’effleurait même pas : elle se lançait dans l’inconnu sans y réfléchir à deux fois, quitte à s’en mordre les doigts ensuite. Mais ce qu’elle avait adoré toutes ces explorations d’enfants, d’abord dans les forêts environnantes, puis dans les ruelles des villes qu’elle avait traversé, et ensuite sur les mers … Le frisson de la découverte n’avait plus le même goût à présent qu’elle devait se frayer un chemin dans les dédales souterrains de la société sorcière.

Un nouveau regard vers la forêt la fit soupirer de nostalgie, de toutes ces années d’insouciance où les dangers étaient bien différents de ceux d’aujourd’hui. Mais pourquoi hésiter plus longtemps, après tout ? Elle avait encore de longues heures devant elle avant le coucher du soleil, elle ne se ferait pas dévorer par un loup-garou en pleine journée. Elle pénétra donc dans la forêt, un sourire flottant sur ses lèvres. Elle n’était plus une gamine, son regard sur les choses avait changé, mais avec un petit effort elle pouvait à nouveau se plonger dans cet état d’esprit insouciant et aventureux qui l’avait poussée en avant si longtemps. Le nez en l’air, elle marcha sans se presser, savourant les odeurs de la forêt ainsi que le bruit de ses pas faisant craquer les feuilles mortes dans l’humus. La neige était presque absente ici, le sol protégé par les frondaisons épaisses. Soudain elle se figea. Avait-elle vraiment vu quelque chose bouger, ou … ? Le cœur battant un peu plus vite, elle s’avança lentement dans la direction ou elle avait cru déceler le mouvement. Ce n’était sans doute qu’un écureuil, mais son imagination galopait déjà en tous sens et elle n’entendit pas le signal d’alarme qui s’alluma dans un coin de sa conscience. Sans un regard en arrière, elle s’enfonça plus loin dans la forêt, s’éloignant du sentier qui la ramènerait vers la lumière.