circling in madness (darya)

septembre 1922

Elle est comme endormie Vesna. Les sens endoloris par des heures acharnées de travail. Elle ne ressent plus rien la médicomage. Ni bien, ni mal. Plus de douleurs ni peine. Plus de joie. Elle sombre dans les abysses sans espoir d’un jour refaire surface. Elle est seule dans les ténèbres. Seule et apeurée. Gamine qui crève de froid. Elle ne comprend rien Vesna. Perdue dans sa propre tête. Elle court sans se retourner, certaine de mourir si elle venait à croiser le regard des démons qui la prennent en chasse. Vesna dont le monde ne tourne plus rond. Immobile, immuable. Les gens vont et viennent autour d’elle. Pas la moindre attention. Pas un mot. Rien que le silence et des regards qui se détournent. Personne pour voir. Elle ne tourne plus rond Vesna. Les nuits et les jours qui se confondent, le temps qui passe sans vraiment passer. Son étincelle de vie vacille et elle refuse de voir l’inévitable. Vesna qui se ment à elle-même. Hôte parfaite. Vaisseau idéal pour celle qui cherche à avoir le monde aux creux de ses mains. La bataille perdue d’avance, le corps et l’esprit fatigué par cette lutte. Les années se succèdent et avec elles passent le venin dans ses veines. Du temps, Vesna n’en n’a plus.

Un claquement de doigts lui vrille les tympans, la sort de sa torpeur morbide. Elle cligne des yeux à l’infini avant d’enfin voir celle qui la retient. Comme une ancre, un phare dans les ténèbres. Darya et son air sévère, intraitable. C’est à peine si elle peut le soutenir, presque obligée de se détourner de ces yeux inquisiteurs d’où suintent l’inquiétude. Elle se rend compte qu’elle n’est pas là où elle devrait être Vesna. Certaine d’avoir encore les mains au-dessus de son patient. Si sûre d’être en pleine séance de guérison. Elle s’était encore perdue dans les couloirs infinis de l’hôpital moscovite. “Je vais bien.” qu’elle lance doucement, de cette voix qui la trahie toujours. Loin d’être la Konstantinova dont rêve ses parents. “C’est mon prochain patient ?” qu’elle demande en désignant le dossier que tient sa supérieure directe. Darya qui la chapote depuis longtemps. La Dolohova comme mentor. Vesna arque un sourcil en croisant les bras sous sa poitrine. Elle grandi d’un coup, la voix plus sûre, le corps bien droit. Elle sort de son rêve et de sa transe. Le sang afflue à nouveau jusqu’à ses joues qui se teintent d’un rose naturel. Vesna de nouveau vivante.