(vesna) thorns

L’âme recrachée par la nuit reprend ses droits. La gorge encore douloureuse, il a hurlé, en vain, des cris débordants de désespoir. Les hallucinations poursuivent leur route, teintées d'un vermeil épais et dérangeant. Humanité tremblante au fond de sa gorge, les années n'ont pas érodé la culpabilité du lupin. Un cycle lunaire après l'autre, la lune gronde encore dans ses veines alors qu'il se revêtit. Les pans de sa chemise recouvrent habilement les blessures affligées par la bête retranchée. Nippes habituelles enfilées, Vasilevsky brave à nouveau la morsure du froid et s'enlise dans les rues de Moscou sous forme humaine. Dissimulant sa nature magique derechef, le voilà similaire à tout sang magie face au monde. Couverture nécessaire en temps de prohibition sorcière. On l'a convié à quelconque sauterie souterraine dont il ne connait encore rien. Pour réunir la plèbe survivante lui a-t-on dit, lui donner une direction. Il se sent lui-même à la dérive depuis si longtemps qu'il peine à croire à une rébellion efficace. Combien sont-ils à vivre encore ? Le coeur en charpie, il n'ose plus revoir le visage de ces autres connus avant la révolution meurtrière. Il a quitté la toundra sans les retrouver. Pas une fois. Pas jusqu'à présent.

Traversant trois rues, il se glisse dans les retranchements d'une allée avant de disparaitre. Porte franchie, il glisse dans un miroir et rejoint un établissement ensorcelé. Se meut sur les tapis feutrés une mêlée sociale inattendue. Penchant la tête, il humecte ses lippes alors qu'on s'approche de lui avec des coupes. Le né-moldu n'étant pas politicien, il ne se sent pas à sa place. Il enlève son long manteau, le pose sur un bras, passe la main dans ses cheveux ébènes. Il salue brièvement un serveur avant de saisir un verre de vodka. Balayant la pièce du regard, il se tient droit et digne, pourtant l'oeil s'embrume lorsqu'il croise une silhouette semblable à nulle autre. Vesna. Deux syllabes qui lui arrachent subitement la parole. La sorcière apparait au loin telle un spectre. Pause théâtrale. Le voilà qui déglutit, se force à respirer. Il n'y croyait plus depuis des mois. Des années. La revoir enfin. Peut-être lui parler. Hypnotisé par sa présence, il observe silencieusement celle qu'elle est devenue, une myriade de questions papillonnant dans son crâne. Bientôt la honte l'envahit mais la curiosité est plus grande encore et le pousse à se mouvoir. Ignorant le gratin du Consortium, il approche lentement d'elle et s'exprime enfin : "Vesna..." murmure-t-il dans un soupir rêvé. Elle est juste sous ses yeux. En vie. Un mirage qui lui arrache un presque sourire. "I have searched for you."