Unpredictable [Yacory]

La roulette Russe, antre de débauche une fois la nuit tombée et les livraisons terminées. Le Casino est un endroit sélect, où le gratin moldu se dandine et se presse au-dessus des tables de blackjack. C’est un endroit bruyant, lumineux, hétéroclite. Tous se mélangent et se bousculent, d’autres travaillent, certains s’éclipsent à l’arrière, mais rien ne perturbe Yacov assis sur son tabouret noir face à son piano à queue.  Le musicien à troqué ses vêtements contre un costume trois pièces, noir et doré, imposé. C’est peut-être le seul élément qui peut l’agacer durant sa prestation : les coutures, les plis, l’impression de ressembler à un pingouin. Yacov aime l’art, le vrai, celui où l’esprit vagabonde et où les mains s’animent dans une danse folle et passionnée.  Au casino, rien ne laisse place à l’improvisation. Yacov joue des morceaux connus, aucune création n’est tolérée. Obligé de subvenir aux demandes de la haute hiérarchie et a celles des clients parfois. Hommes et Femmes se pensent légitimes de demander un morceau (ou plusieurs dans le pire des cas !) au musicien. Et c’est toujours la même chose. Il les connaît par cœur, n’a plus besoin de partition, les doigts s’agitent par automatisme et pressent les blanches et les noires pour le plaisir des riches oreilles.

Applaudissements retentissent à la fin de son set, Yacov souri poliment, se lève et fait une référence. Le regard balaye la salle de jeux, se pose sur les différents bars et tables de dégustation, laisse sa place au musicien suivant qui attrape un saxophone. Yacov sort de sa bulle musicale, l’esprit un peu vaseux par ce moment passé à ne penser à rien. Réalité le rattrape quand il croise le regard de celui qu’il l’attend depuis un moment, complice de plainte. Petit livreur rencontré plus tôt, avant que les portes ne s’ouvrent au public, où Yacov à réceptionné de la marchandise empaquetée. Le bouclé n’aurait jamais imaginé qu’il l’aurait attendu, la patience est une vertu qui se perd. Karenine attrape sa canne dans laquelle est cachée sa baguette, s’y appuie et se déplace vers le livreur. « J’imagine que vous allez accepter un second verre pour avoir gentiment patienté ? » Le ton est malicieux, et il prend place face au livreur dont le nom lui échappe encore. Yacov n’est pas du genre à tourner au tour du pot, la demande est directe, verre est presque imposé. De la poche de sa veste, Yacov en sort un étui à cigarette, se sert et le tend à sa compagnie du soir. Karenine croise les jambes, porte le tabac à ses lèvres et l’allume en posant un regard curieux sur le saxophoniste. « C’est quand même particulier cette manie de sortir un ré mineur étouffé… » lâche-t-il pour lui-même en jugeant l’autre musicien avant de s’intéresser à l’homme assis en face de lui, crachant sa fumée vers le plafond, exhibant sa pomme d’Adam un instant : « ...Et donc, vous vous arrêtez toujours chez vos clients pour partager un verre ou c’est juste pour profiter de mon agréable compagnie ? » Les yeux pétillants, Yacov a un sourire particulier en coin laissant croire que l’ambiguïté n’est peut-être pas faite exprès. Yacov teste, titille et se fait remarquer. Ce n’est pas tous les jours que quelqu’un l’attend pour boire un verre, surtout en ces temps particulièrement troublés.